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"J'ai enlevé le s dans Sida et ça a donné un prénom de femme : Ida. Alors, Ida comme prétexte pour écrire, décrire mon amour, ma haine, de cette presqu'île, de ce pays désenchanté, qui fut une île enchanteresse." (p.3)
Peut-être la phrase mise en exergue dans ce livre vous effraie-t-elle ? Si oui, ne vous laissez pas impressionner, tentez votre chance, vous ne serez pas déçus. Enfin, je l'espère. Car le livre de Guy régis Jr n'est point facile : entre poésie, rêve, réalité, fantasmes. Il nous perd parfois pour mieux nous rattrapper ensuite, quelques lignes plus loin. C'est un livre qui ne pourra laisser indifférent. Qui commence par 14 pages de "Ida" mis en milieu de page les uns au-dessus des autres. Puis, l'histoire de cet homme débute. Son amour de Ida mais aussi de son pays. Et sa haine. Et son dégoût de ce que les hommes ont fait de cette belle île. "Dans la baie de Port-au-Prince, face à la mer des Caraïbes, nous étions tristes Ida et moi. Avant nous y jouions à y perdre le souffle. C'est vrai que tout est différent maintenant, l'eau est boursouflée de pustules, de pestilences, de dysentrie et de diarrhées." (p.21) Il interpelle directement les politiques qui ont préféré ramasser de l'argent, placer leurs petits copains à des postes-clefs, parle de cette dame revenue des États-Unis qui veut placer son fils assistant du Chef de la Trésorerie, mais le Président refuse "Alors, la dame qui n'admet pas cette défaite, dans l'après-midi, va voir son ministre des Finances sans petite culotte, lui offre une journée de travail gracieuse. Le lendemain, l'attaché à la Trésorerie est vite remplacé par le fils de la dame." (p.33) Tout ce chapitre pourrait être drôle si l'on pouvait le lire au troisième degré, l'écriture de Guy Régis Jr pourrait même s'y prêter. Comme quoi, la comédie n'est jamais loin de la tragédie. Il constate aussi la misère, la pauvreté, toujours de manière forte : "Dans la baie de Port-au-Prince, face à la mer des Caraïbes, très tôt le ventre creux commence son chemin de croix. Dans la baie de Port-au-Prince, face à la mer des Caraïbes, aujourd'hui encore, les poissons fuient les pêcheurs. Aujourd'hui encore, le cordonnier, la marchande de rien du tout, le jeune écolier, tous ouvrent la bouche pour avaler le soleil. Dans la baie de Port-au-prince, face à la mer des Caraïbes, aujourd'hui encore, le jour reprend son habitude d'échapper à la vie." (p.20)
J'ai lu quelques auteurs haïtiens contemporains, et tous entretiennent avec leur pays un rapport entre amour et haine. Souvent l'amour des gens qui l'habitent devant leur force et leur volonté de vivre et haine de ce que d'autres, des profiteurs ont fait de ce bout d'île qui aurait pu, qui aurait dû offrir plus aux Haïtiens. Guy régis Jr va droit au but, dit franchement mais toujours de très belle manière ce qu'il a à dire. C'est noir et rouge, poétique, direct et parfois cru. Un texte écrit pour être dit, peut-être même pour être déclamé sans emphase mais avec la force qu'il tient en lui. C'est ce que je me disais en avançant dans ma lecture, avant de lire le dossier de presse qui précise : "Guy Régis Jr est écrivain, traducteur et metteur en scène. Ses textes sont lus, montés, dans les théâtres, à l'université, dans les rues, sur les places publiques et tout autre lieu de grande audience."
PS : texte écrit en 1999, édité initialement à New York ; c'est ici sa première édition française.
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