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Le roman entremêle des souvenirss personnels, des anecdotes familiales et des événements historiques. Dans ce labyrinthe de récits, il était tout naturel qu'émerge la figure du Minotaure, cet enfant abandonné du fait de son lignage et condamné à l'enfermement : "au début de tout, ai-je dit, se trouve un enfant jeté dans une cave"
"Cela se produisait souvent malgré moi. Comme si là où l'autre éprouvait une douleur, dans cette faille, s'ouvrait un couloir qui m'aspirait en lui."
Dans son enfance, le narrateur a souffert du "syndrome empathico-somatique obsessionnel". Autrement dit : il avait le pouvoir de s'installer dans l'histoire d'un autre, qu'il s'agisse de son grand-père, d'une fourmi rouge ou même d'une plante. Ce sont toutes ces histoires qu'il nous raconte en se replongeant dans la Bulgarie communiste des années 70 et 80, comme celle de Julietta qui tous les après-midis pendant quarante ans a attendu Alain Delon devant le vieux cinéma fermé depuis déjà longtemps
"Le vieillissement d'un empathique est un processus étrange. Les couloirs menant vers les autres et leurs histoires se sont murés".
En grandissant, le narrateur a perdu son pouvoir empathique. Pour connaître les histoires et nous les raconter, il a d'abord commencé à les collectionner sous forme de listes classées dans des cartons afin de "sauver les choses par les mots". Et puis, il a commencé à acheter les histoires à ceux qui en avaient à vendre.
"J'essaie de tenir un catalogue exact de tout".
Et si, pour conserver tout ce qui doit l'être, il ne suffisait pas de le conserver dans une "capsule temporelle", à l'image de celle qui fut enterrée à New-York à l'occasion de l'Exposition universelle de 1938 ? Mais alors, comment choisir ce qui sera destiné à n'être redécouvert que des siècles plus tard ?
"Si quelque chose est durable et monumental, à quoi bon le mettre dans la capsule. Il ne faut conserver que ce qui est mortel, éphémère, fragile. "
L'écrivain se doit alors de tout écrire, enregistrer et conserver. Il acquiert ainsi la capacité à se mouvoir dans les couloirs du temps en passant d'une histoire à l'autre. Le voici maintenant détenteur d'un nouveau pouvoir, celui que Shéhérazade utilisait en son temps : "la force de celui qui raconte". Cette force-là appartient à celui qui est faible et vulnérable. Par le récit qu'il raconte avec ses mots, il a pouvoir de vie et de mort dans les histoires.
"La mélancolie rend les os fragiles".
Objet du livre ("Physique de la mélancolie"), la mélancolie ne se laisse pas réduire à un sentiment diffus Elle ne se laisse pas combattre facilement non plus, "quelque chose s'est bloqué dans le temps". Peut-être que l'une des façons de lui répondre est de prêter attention aux petites choses insignifiantes, ces petites choses qui sont finalement "les dernières à scintiller avant les ténèbres".
Tout dans ce roman semble couler facilement et se glisser en nous. Le lecteur se retrouve comme en état de porosité, en empathie à son tour avec ce petit garçon qui se glisse dans les histoires et cet homme qui se donne ensuite pour mission d'encapsuler les plus insignifiantes d'entre elles pour leur offrir l'éternité.
Le sous-titre du livre, Histoires ultra-courtes, le résume parfaitement. Guéorgui Gospodinov, écrivain bulgare déplore dans la post-face la prépondérance du roman dans la littérature et le peu de place laissée aux autres genres. "Et pourtant, en ce qui me concerne, c'est ce potentiel subversif des petites histoires, leur capacité à échapper au joug du roman qui me plaisent. [...] Je veux dire qu'à une époque comme la nôtre, où l'on parle beaucoup et au hasard, comme au bistro, la bonne histoire courte vient nous donner la mesure de chaque mot. Et de chaque minute." (p. 139/141)
J'aime beaucoup ce genre de recueils, mais il faut bien avouer que l'exercice est casse-gueule, l'auteur peut vite tomber dans l'historiette sans intérêt, ce qui est loin d'être le cas avec Guéorgui Gospodinov. Il y parle littérature, travail de l'écrivain. La nostalgie est également très présente ainsi que la Bulgarie, l'amour, la mort, Dieu, l'athéisme. Les gens que l'auteur a rencontrés ou inventés sont décrits dans leur quotidien, mais aussi leurs pensées, leurs questionnements, leurs peurs, angoisses, joies, bonheurs... Des histoires courtes voire très très courtes qui vont au plus direct et parfois, une phrase explose, ça peut-être la chute, mais pas toujours :
"L'être humain n'est pas fait pour manger seul."
"Je suis conscient, sans doute comme beaucoup d'autres avant moi, que, parmi mes souvenirs personnels, il y en a un grand nombre qui sont nés de livres. Lire produit des souvenirs."
Les histoires de Guéorgui Gospodinov sont drôles, ubuesques, fantaisistes, tendres, oniriques, poétiques, réalistes, surréalistes, décalées, à chute souvent, sans chute parfois, il y a en elles un détail ou leur fond qui est à retenir, qui interroge ou simplement qui plaît. Une que j'aime beaucoup pour finir :
"L'ange des livres non lus
Ils sont là, quelque part, je les vois empilés l'un sur l'autre, tous les livres que je ne lirai pas. Le sommet de cette tour se perd dans les nuages et tout au-dessus se tient l'ange des livres non lus qui balance ses jambes.
Certains de ces livres ne sont même pas encore écrits. Cette tour de Babel de ce qui n'a pas été lu croît de jour en jour, de plus en plus imposante.
Parfois, j'ai l'impression que l'on peut atteindre Dieu par l'ignorance." (p. 134)
Le genre de livres que l'on a plaisir à lire, à offrir et faire découvrir, car chacun y trouve, sauf à être totalement obtus, des histoires qui le touchent.
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