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Les "Rendez-vous à Positano" sont ces moments où Goliarda se rend pendant des années dans un village du sud de l'Italie retrouver son amie Erica, femme célibataire et riche. Que s'est-il passé ? Où est l'écrivaine engagée, ayant une réflexion froide, distante ou passionnée sur l'amour (dont celui pour les femmes), la politique et l'engagement, la recherche de l'âme soeur, l'héritage familial, etc. ?
Pas dans Positiano en tout cas.
Le livre est en trois parties. La première est une sorte de narration du quotidien d'un village de riches et d'artistes, sorte de Barbizon de l'Italie (Positano, près de Capri) avec l'éloge de cette caste privilégiée qui vit d'art, de mer et de fêtes. Goliarda ressemble a une petite fille pauvre en extase devant ces gens. Les pauvres du village sont un stéréotype sur pieds: gentils, serviables, bons travailleurs, bons domestiques et débrouillards.
La deuxième partie est centrée sur Erica, la protagoniste (comme un miroir de Goliarda ?) : une stérilité qui la mine, des amours malheureux, un goût de l'art (et l'argent issu de l'art). Une enfance de riches, une chute sociale, un oncle miraculeux qui surgit, un peu de prostitution sûrement, etc. Même le suicide évoqué de la soeur ainée d'Erica est plat, peu crédible. Tout semble obéir à une mécanique de story-telling entre Harlequin sans érotisme et Autant en Emporte le Vent. Il y a un petit coup de théâtre entre le tueur qui est tué par un tueur mais rien qui accroche vraiment.
Ceci dit, la trame de l'Art de la Joie se sent fortement.
La troisième et dernière partie, très courte, est enfin dans le style de Goliarda Sapienza. Les doutes, la tristesse intérieure qui ne peut être révélée à cause de l'image sociale à maintenir jusqu'à se poser la question du suicide, la stérilité de nouveau dans l'idée de continuum, le temps qui passe et des choses qui changent, les gens qui disparaissent sont le filigrane.
C'est un joli volume, 800 pages. Les premières sont difficiles pour âme sensible. On lit de l'inceste, de la pauvreté. Petit à petit, l'on suit Modesta durant sa vie. Femme libre, sicilienne, elle défend ses idées et sa liberté. À travers sa vie, plusieurs sujets sont abordés : le féminisme, la séduction, la sexualité, l'homosexualité, l'éducation, la culture, le fascisme, la guerre, la souffrance... on se laisse facilement emporter et les pages se tournent. Découvert par un concours de circonstances, je ne regrette pas cette lecture.
"Les certitudes du doute" font suite à "L'université de Rebbibia" (une prison pour femmes en Italie). Goliarda SAPIENZA retrouve une ancienne co-détenue, Roberta, prisonnière politique pour son action au sein des Brigades Rouges, avec qui elle avait partagée un moment sa cellule.
Comme attirée par les Bad Girls et le monde interlope, l'autrice déambule dans les recoins de Rome où la vie parallèle se joue, se roule et se déroule (drogue, action politique, prostitution, etc.) sans glauque ou trash. Elle semble, comme à Rebbibia une spectatrice extérieure, un peu comme une ethnologue, mais très attachée à Roberta (elles sont amantes si on lit entre les lignes). On comprend aussi que même si elle s'expose un peu, "la fumeuse alcoolique" comme l'appelle Roberta, ne risque pas grand chose de par son statut de bourgeoise écrivaine. Comme Marguerite Duras, Goliarda Sapienza semble effectivement avoir l'alcool quotidiennement présent dans sa vie (le whisky à jeun pour Goliarda).
L'écriture est fluide et belle, on est transporté dans une Rome inconnue, pleine de sens (bruit, couleurs...), dans une sorte de récit roman où là encore l'autrice nous prévient qu'elle ment. C'est tour à tour sombre, drôle, vivant, épique parfois, léger puis plus grave : tourbillonnant en un mot. C'est aussi une réflexion sociale et politique qui, pour une fois, mêle des points de vue différents liés aux générations (Goliarda a connu la guerre et le fascisme, Roberta a 24 ans et elle est dans le combat des années 80).
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"Ils ne faisaient - les vieux d'autrefois (et peut-être aussi ceux d'aujourd'hui) - que nous raconter des mensonges utopiques si bien qu'en fin de compte, toute la vie ne se réduit à rien d'autre qu'à lutter sauvagement pour démasquer leurs mensonges. Bref, tout cela est, je ne dis pas aberrant (parce que ce serait héroïque) mais plat et ennuyeux ! Ce n'est pas vrai qu'il me sera facile de supporter cet énième deuil - chers vieux sages - mère, père, oncle, professeur, Tolstoï ! Ce n'est pas vrai qu'avec les années ont devient détaché ou autre, ce n'est pas vrai, ceci, ce n'est pas vrai, cela, ni cela encore !... Tandis que je mastique sandwich et mensonges dans l'intention de les faire tous disparaître dans mon estomac, et de les digérer une fois pour toutes, quelqu'un me donne amicalement une petite tape sur l'épaule - je suis tellement occupée par ma rumination de chamelle affolée par la chaleur et la soif que je sursaute presque en pensant : c'est elle... la diablesse !" (p. 52)
"Toujours cette mauvaise habitude d'analyser, qui comme un moustique vous fond dessus alors qu'on fait l'amour et vous démolit ce beau moment qu'après tout est la vie, parce qu'à la barbe de toutes les philosophies du monde la vie n'est faite que de moments" (p. 65)
"Lettre ouverte" est une adresse de Goliarda SAPIENZA aux lecteurs qu'elle interpelle, à qui elle parle dans cette oeuvre qui est une auto-fiction thérapeutique. Elle signe "Rome, 1965" qui semble s'inscrire dans l'idée psychanalytique (psychanalyse qu'elle a fait un peu avant).
L'éditeur met en avant une autobiographie mais jamais rien n'est linéaire avec cette écrivaine : "je ne voudrais pas jeter le discrédit sur les morts et sur les vivants que j'ai rencontrés mais vu que m'ont été dits, comme à tout le monde du reste, plus de mensonges que de vérités, comment pourrais-je maintenant, moi, espérer vous parler en imaginant arriver à une ordre-vérité ? Eh non : je crois vraiment que cet effort que j'entreprends, pour ne pas mourir étouffer dans le désespoir, sera une belle enfilade de mensonges" (p. 15).
Ecrit par phases, sûrement sur plusieurs mois, elle jette sur le papier des morceaux de son enfance, de son statut de privilégiée face à ses copines des bassi c'est-à-dire des masures pauvres du bas de la cour, de sa mère si froide qui va finir folle avec ce cri comme leitmotiv "ne la viole pas!", de ses relations avec frères et soeurs, de son père qui aimait un peu trop sa fratrie (inceste), de cette ville de Sicile : Catane, de sa recherche dès l'enfance d'être aimée, elle qui est laissée au vagabondage dès qu'elle n'amuse plus la galerie.
C'est décousu bien qu'on sente que le style est là. Ayant lu le lumineux "Moi, Jean Gabin" qui est exactement sur le même thème, Lettre ouverte donne une impression de fragilité, d'inachevé.
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