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Les « Albums Pléiade » sur un auteur (ou une œuvre - cf. les mille et une nuit) sont toujours d’une grande qualité avec une riche iconographie. Et comme faire simple est souvent le plus efficace, la vie des auteurs retenus (pour bénéficier de cette double reconnaissance / privilège de La Pléiade : d’abord être publié … et ensuite avoir son Album !) est une présentation chronologique.
L’album Céline de 2023 (qui accompagne la publication de manuscrits retrouvés et la recomposition des Pléiades Céline) reprend cette ligne chronologique pour développer les moments forts de la vie de Céline et quelques traits caractéristiques de l’œuvre et de l’homme dans ses dimensions diverses et de ses vies multiples.
Ce que fait notamment ressortir Frédéric Vitoux c’est bien cette multiplicité de dimensions et de vies de Destouches (importance de l'enfance, militaire, médecin, travaillant avec des laboratoires, séducteur avec plusieurs femmes et mariages, …) / Céline avec l’écriture « lieu de tous les excès, de toutes les violences, de tous les défoulements et de toutes les comédies (et, à ses yeux, l’outrance antisémite, par sa forme, relevait aussi de la comédie) » p 96
Homme pressé, les vies de Céline (affectives / professionnelles / littéraires …) s’enchainent, s’entrecroisent avec de multiples voyages. L’homme peut paraitre toujours limite (côtoyant des milieux interlopes, frayant avec des extrêmes, avec des limites parfois dépassées …) tout en cherchant et affirmant une indépendance.
Frédéric Vitoux, chargé de la publication de l’ouvrage, souligne que cette multiplicité peut s’approcher par des documents et des témoignages ; par les œuvres, mais aussi par sa correspondance : en pointant qu’« il sera peut-être le dernier de nos grands écrivains à laisser, par ses lettres une trace aussi considérable de son existence » pp 21-22 ... à méditer.
Un éclairage intéressant d’un de ces auteurs singuliers qu’il faut renifler avant de plonger dans son œuvre.
Dans ce livre, le héros, ou plutôt l’héroïne est une assiette du moins « une soucoupe en faïence aux motifs décoratifs d’un bleu délavé » ayant appartenu à Fagonette la chatte des grands-parents de l’auteur, disparue dans des circonstances troublantes, car elle était peu appréciée du grand-père. Grâce à cette assiette, nous entrons dans l’univers, l’intimité de la famille Vitoux.
L’auteur aborde le manque d’intérêt que lui portait son père durant l’enfance, à tel point qu’il se demandait parfois s’il était muet ou simplement distrait, sauf quand il prenait une colère dévastatrice à laquelle, d’un commun et tacite accord, ses enfants avaient décidé de ne pas réagir, ce qui n’a pas empêché l’auteur de le considérer comme le meilleur des pères.
Comment se construit-on avec cette image paternelle que l’auteur explique par l’ombre permanente et autoritaire du grand-père, Georges qui n’avait jamais su être un père et semblait demeurer un étranger dans la maison ? Dans ce couple constitué par les grands-parents, s’était immiscée une troisième personne, Clarisse, profondément amoureuse d’Henriette, la grand-mère, donc difficile de se construire une image masculine, au milieu de ce trio, que l’aïeul regardait de loin,
Les souvenirs remontent, souvent dans le désordre, une pensée, ou un secret devenant soudain perceptibles, ce qui conduit l’auteur à creuser la personnalité de ces grands-parents qu’il n’a jamais connus mais qui ont conditionné son père, (avec l’apparition de fantômes telle Odette alias la sœur de lait du docteur et qui en fait était le fruit d’une union illégitime) puis la sienne. Répétition des scenarii…dirait Sigmund
Frédéric Vitoux examine ce père tour à tour avec ses yeux d’enfant et son regard d’adulte qui tente de comprendre, d’éclairer ce qui l’a perturbé autrefois.
Toujours dans le domaine des souvenirs, l’auteur aborde la période du scoutisme, où il s’ennuyait pendant trois semaines, et qui n’avait rien de sauvage pour lui qui se réfugiait tant dans la littérature, mais à la suite de ce séjour, alors qu’il habitait chez son cousin Jojo, il a découvert la relation homosexuelle de ce dernier avec son compagnon alias Monsieur Felipe. Ce qui nous entraîne sur la sexualité des différents membres de la famille, et du silence qui l’entoure.
J’ai beaucoup aimé la manière dont l’assiette du chat fait remonter les souvenirs, les associations d’idées pour tenter de comprendre surtout la personnalité du père de l’auteur. Ce souvenir, (sous-titre du roman) fait remonter tous les autres. L’écriture, comme le dit si bien Frédéric Vitoux fonctionne comme une analyse sur le divan :
"J’écris pour savoir (pourquoi écrirait-on sans cela ?) et c’est l’ignorance, de nouvelles ignorances qui m’attendent au bout du chemin."
J’ai retrouvé, dans ce livre, la verve qui m’a tant plu dans « L’ours et le philosophe », l’humour de l’auteur, une écriture magnifique, ciselée avec le sens du détail, le choix des mots… Je me suis rendue compte que ce n’est pas la première fois que l’auteur aborde sa famille, ou l’importance des chats, ce qui me donne l’envie de me plonger davantage dans ses écrits, (trente-six livres au compteur) en particulier son « Dictionnaire amoureux des chats » ou ses écrits sur Louis-Ferdinand Céline.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la belle plume de son auteur.
https://leslivresdeve.wordpress.com/2023/07/29/lassiette-du-chat-de-frederic-vitoux/
#Lassietteduchat #NetGalleyFrance !
C’est l’histoire d’une amitié et de ses aléas, la vie n’est pas un long fleuve tranquille entre deux génies : un philosophe, en la personne de Diderot et Falconet sculpteur tout aussi reconnu, qui se sont connus probablement en 1760, lors de la préparation de l’Encyclopédie. Leurs vies vont se mêler, s’entremêler, se déchirer, notamment quand Falconet a poussé son ami à répondre à l’invitation de Catherine II, à Saint-Pétersbourg, l’invitant à résider chez lui et lui refusant l’hospitalité à la dernière minute.
Une querelle va les opposer autour de la postérité. Que reste-t-il d’une œuvre lorsque l’auteur meurt ? Pour Falconet, l’œuvre, en l’occurrence la sculpture se construit ici et maintenant, au présent, elle est et elle demeure, alors que pour le philosophe, tout se joue au futur car nombre de manuscrits reste dans les tiroirs et ne sont publiés qu’après la mort, ce qui impose une quête de perfection pour convaincre et nécessite une réflexion sur la trace qu’on va laisser.
Frédéric Vitoux base toute son argumentation sur les lettres échangées entre les deux hommes profitant des confinements pour se replonger dans cette correspondance, dont les beaucoup des originaux ont disparu.
On revisite aussi l’aventure de l’Encyclopédie, ses partisans comme les philosophes, les réticents, surtout les monarchistes, les religieux le pape en tête et le premier accroc dans l’amitié lorsque Diderot a demandé à Falconet de se charger de la rédaction de l’article sur la sculpture, ce qu’il refuse bien-sûr ce qui donne une envolée lyrique sur Tom et Jerry de son cher Tex Avery.
Régulièrement, l’auteur apporte avec humour ce qu’il ressent avec sa tirade sur les ours, car il compare Falconet à un ours, on le comprend très vite, ce qui lui permet de partir sur les traces des grizzlis ou des ours polaires ainsi que leur habitat, qu’ils soient ou non mal léché, grognent ou bougonnent … Je vous laisse imaginer le paragraphe sur l’ours !
L’ours est non seulement sauvage mais solitaire ; il reste seul dans sa caverne ou dans le creux d’un vieil arbre, il y passe une partie de l’hiver, sans en sortir pendant plusieurs semaines.
De temps en temps, on a des digressions, (la libre association fonctionne bien dirait l’ami Sigmund) au gré de l’humeur de l’auteur, et s’invitent alors Philippe Tesson, Jorge Amado, Jean d’Ormesson, Marguerite Desbordes-Valmore, tirant au passage de son ombre Henri de Latouche, ou encore Céline … même Tex Avery dont il raconte un cartoon pour étayer son propos, ou encore les famille Morisot…
Dans sa réflexion sur l’amitié, la manière dont elle naît, se développe et peut se traduire par des disputes, des conflits, des rancunes, l’auteur évoque une autre amitié, celle qui unissait Lawrence d’Arabie et le dramaturge Noël Coward
Frédéric Vitoux illustre son propos avec des portraits, tel celui de Mademoiselle Victoire (bru et amie de Falconet), sculptures de Falconet
Une réflexion amusante sur la bibliothèque immense et variée de Falconet :
Souvent les misanthropes, les grognons, les taciturnes et les coléreux, fâchés avec leur temps comme leurs contemporains, se retranchent, se protègent et se consolent derrière la barrière de leurs livres. Comme s’ils ne voulaient plus converser qu’avec les morts.
J’ai pris mon temps pour lire ce roman superbe, pour profiter de la plume ciselée de l’auteur, de « Le banquier anarchiste » de Fernando Pessoa et de ce fait écrire ma chronique a été difficile : ne pas tomber dans l’idolâtrie avec des propos dithyrambiques ou ne pas en dire suffisamment pour donner envie de découvrir l’ours et le philosophe. Le propos est tout simplement brillant.
Étant donné mon enthousiasme je me suis procuré le livre en version papier pour pouvoir m’y replonger régulièrement. Il est inutile de préciser que j’ai des phrases surlignées partout (pratiquement toutes les deux pages).
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur qui je l’espère ne m’en voudront pas trop pour ce long retard.
#Loursetlephilosophe #NetGalleyFrance
https://leslivresdeve.wordpress.com/2023/07/28/lours-et-le-philosophe-de-frederic-vitoux/
Commandé sans rien en savoir, je pensais tomber sur un ouvrage un peu convenu, voire un peu nunuche, un peu classique, un peu déjà vu mille fois, comme on peut en trouver pléthore sur les chats.
C'est un dictionnaire uniquement dans le sens où les écrits sont présentés par ordre alphabétique.
Il n'a rien d'encyclopédique.
Amoureux des chats ça c'est sûr.
Illustré de magnifiques photos de chats et d'écrivains aimant les chats, de peintures où se trouve un chat, d'affiches, d'enseignes, tout cela choisi avec grand soin.
C'est un vrai régal.
Cet ordre alphabétique répond aux réflexions de l'auteur.
C'est très très bien écrit et les textes sont intelligents.
J'ai beaucoup apprécié l'esprit de Frédéric Vitoux.
Érudition, humour, sagesse, témoignages, un savoureux cocktail qui se lit avec bonheur, par petites touches.
L'auteur recommande de le lire au hasard, mais je l'ai lu page à page, me délectant de ces images et photos magnifiques, de ces textes brillamment écrits.
Un livre écrit comme « une conversation à bâtons rompus », une conversation riche, subtile.....amoureuse.
Bref, un très beau livre
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