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Sordide.
J'arrête à la moitié de l'ouvrage.
J'ai, bien entendu, également lu les dernières pages mais pourquoi s'infliger cette lecture ? Pour comprendre ? Même pas car un article de fond m'aurait épargné les détails scabreux et j'aurais néanmoins compris l'engrenage, la spirale infernale.
Alors oui, nous sommes ici dans un fiasco judiciaire, une affaire qui s'emballe, des victimes marquées à vie, des innocents accusés à tort et qui ne s'en remettrons jamais, des familles décimées mais je ne suis pas sûre que le traitement qui en est fait, qui frôle le fait divers, le sensationnel rend justice à ce désastre.
Une analyse argumentée, une étude presque sociologique voire des témoignages m'auraient paru plus efficaces et surtout moins voyeuriste.
Après avoir beaucoup aimé « L’Inconnu de la Poste », j’ai profité de Quais du Polar pour m’offrir « Le Quai de Ouistreham ».
À Caen, Florence Aubenas se fait passer pour une personne sans qualification et qui n’a pas travaillé depuis vingt ans, et s’adresse à Pôle Emploi qui l’oriente vers des missions de femme de ménage.
Elle constate rapidement qu’il ne s’agit pas dans son cas de trouver un emploi mais des « heures », payées parfois même en dessous du SMIC, très tôt le matin, tard le soir, ou durant les week-ends. Elle raconte la voiture obligatoire, les 2h de route pour travailler 1h, le corps qui s’épuise à tirer des chariots et porter des seaux, le sommeil réduit au minimum quand on enchaine les missions de nuit et du matin, le forfait de 3h15 pour un travail qui en prend 6, les clients pour qui on est transparent, ceux au contraire qui cherchent à la piéger ou à saboter son travail…
Mais aussi le peu d’assentiment qu’elle reçoit quand elle dit à ses collègues qu’elle ne trouve pas ces conditions normales : la plupart ont toujours vécu dans la précarité, n’ont pas le choix et ne se rendent pas forcément compte des abus. Comme se souvient son amie Victoria, même les syndicats ne défendaient pas vraiment son corps de métier, doublement stigmatisé : féminin, et précaire.
J’ai retrouvé l’œil humaniste de Florence Aubenas que j’avais tant apprécié : il y a quelque chose de chaleureux dans ce livre, un vrai talent descriptif pour faire vivre les scènes et les personnages, avec le détail qui fait mouche, et toujours une pointe d’humour.
Malgré les conditions de travail difficiles, l’autrice va faire l’expérience de l’esprit d’équipe, de la solidarité, et nouer de vraies amitiés. On peut certes reprocher au livre de n’être qu’une infiltration dans la précarité sans en avoir l’historique, le vécu, sans la peur de ne pas pouvoir payer son loyer ou les pneus qui permettent d’aller travailler, mais Florence Aubenas ne prétend pas ici être une personne précaire, c’est bien son expérience sur le terrain qu’elle nous raconte.
Un document marquant.
Dans son nouveau livre « L’Inconnu de la Poste », Florence Aubenas s’intéresse à un fait divers ayant eu lieu à Montréal-la-Cluse en Décembre 2008. Catherine Burgod-Arduini, une quadragénaire enceinte de cinq mois, est retrouvée morte après avoir reçu vingt-huit coups de couteau dans la petite agence postale qu’elle tenait.
Alors que le meurtre s’est déroulé vers 8h30 du matin, en pleine heure de pointe dans la petite ville, personne n’a rien vu ou entendu, personne ne se souvient de quelqu’un qui serait entré ou sorti à ce moment de l’agence. Le premier suspect est l’ex-mari de Catherine, peut-être jaloux que la victime ait refait sa vie et soit enceinte de son nouveau compagnon, mais celui-ci a un alibi.
Les soupçons se tournent alors vers un marginal qui habite juste en face, un marginal au profil assez particulier puisqu’il s’agit d’un acteur de cinéma, qui a connu le succès adolescent en jouant dans « Le Petit Criminel » de Jacques Doillon pour lequel il a reçu un César, et qui a une vingtaine de films à son actif : Gérald Thomassin.
« L’Inconnu de la Poste » est typiquement le genre de livre que j’aime. C’est un true crime passionnant, sur une affaire qui, à ce jour, n’est toujours pas résolue, et qui a connu deux rebondissements assez incroyables dix ans après les faits.
L’œil humaniste de Florence Aubenas, et sa capacité à distiller les petits détails qui vont rendre le récit encore plus réaliste et incarné, donne de vraies qualités littéraires à cette non-fiction qui se déroule dans une petite ville de province. Le portrait de Gérald Thomassin est assez incroyable : un homme qui a connu les foyers de la Ddass, les mauvais traitements, qui est repéré un peu par hasard pour jouer dans un film, qui est porté aux nues, mais qui pendant vingt ans va constamment osciller entre la rue et le monde du cinéma.
L’aspect judiciaire est également très intéressant, et pose question lorsqu’un homme sans antécédent similaire, et sans véritable preuve ou témoignage, peut être incarcéré trois ans avant même qu’un procès ait eu lieu…
Un livre qui se lit comme un roman policier, et que j’ai dévoré!
Une enquête à dévorer comme un roman écrit avec beaucoup d'humanité.
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