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Loin de se contenter de régner sur son empire médical et son réseau de cliniques à Belém, au nord du Brésil, le richissime docteur Clayton Marollo complète ses confortables revenus en ouvrant des casinos clandestins. Viennent s’y presser, dans ce pays où tout jeu d’argent est prohibé, aussi bien le gratin de la ville, notables et hommes politiques, que les malfrats en tout genre. Parmi les familiers, deux figures incontournables, Gio, que Marollo a sorti de la rue pour en faire son bras droit, et Paula, jeune joueuse professionnelle de poker, vont apprendre à leurs dépens qu’il est dangereux de se faire remarquer dans ce milieu infesté par la pègre…
Journaliste natif de Belém, c’est à la manière d’un correspondant de guerre, au travers d’un personnage reporter et romancier amené à recueillir, à ses risques et périls, les confidences de première main d’un redoutable caïd, que l’auteur déroule son récit. Il en résulte une crédibilité qui rend fiction et réalité inextricables. Autour de Marollo, Gio et Paula, se tisse bientôt un faisceau de fils narratifs, faisant apparaître une myriade de protagonistes, tous aussi peu recommandables les uns que les autres, et dessinant un tableau sans fard de la violence et de la corruption qui, loin de demeurer l’apanage de ses malfrats, gangrènent en réalité toutes les couches de la société de cette grande ville. Argent, pouvoir, plaisir : tout est motif de meurtre et rien n’y fait obstacle, puisque les forces de l’ordre elles-mêmes ont perdu le droit chemin. Ne demeurent que rapports de force et terreur, dans une escalade où le plus fort d’aujourd’hui rencontrera forcément son maître demain.
Sidéré par le tourbillon sans fin de brutalité et d’abjection dans lequel s’enfonce la narration, souffleté par l’écriture sèche, mêlée d’oralité, qui restitue sans filtre la vulgarité et la cruauté des protagonistes, le lecteur ressort d’autant plus assommé de cette immersion en enfer que tout y paraît plausible et authentique. Jamais auparavant le Brésil ne m’était apparu sous un jour aussi noir, assez comparable à ce qu’il me semblait jusqu’ici le paroxysme mexicain.
Johnny, coiffeur de la jetset de Belém, est mort seul dans son appartement. Le fêtard s’est éteint, apparemment d’une crise cardiaque. Pourtant, l’inspecteur Gilberto Castro est circonspect. En fouillant les lieux, il tombe sur les plus vils secrets du défunt et tend à penser qu’on aurait pu l’aider à mourir d’une façon ou d’une autre. Entre deux bitures carabinées (Gilberto adore la bière), le policier commence ses investigations, interrogeant la bande d’amis de Johnny, personnage haut en couleurs, bisexuel, cocaïnomane. Parmi eux, la sculpturale Selma ne tarde pas à lui tourner la tête et pourrait bien causer sa perte.
Ambiance tropicale, moite et exotique pour un polar qui, comme son nom l’indique, prend place à Belém, capitale de l’état du Parà, à l’embouchure de l’Amazone. Mais Edyr Augusto est loin d’avoir composé un air de samba, frivole et festif. Au contraire, il nous emmène dans le noir, le violent, le sordide. Rien n’échappe à sa plume nerveuse qui décortique cette ville du bout du monde pour laisser voir le vice, la corruption, les trafics en tout genre. Personne n’échappe à son regard acéré sur une société corrompue où l’argent est roi, des starlettes bling-bling aux gradés de la police. A Belém, comme ailleurs, l’argent est roi. Les riches s’en servent pour assouvir leurs perversions, acheter des appuis, les pauvres rêvent de fortune et sont prêts à tout pour rejoindre le sommet. Au milieu de tout cela, Gilberto Castro, grand espoir de ses supérieurs, incarnation d’une nouvelle police, moderne et instruite, se bat contre ses propres démons. Archétype du flic intègre, doué, frondeur mais accro à la bouteille, il va se brûler les ailes dans un monde où le sens de la justice et la persévérance ne suffisent pas pour faire un homme…
Un polar nerveux, violent à l’extrême, écrit avec les tripes par un auteur qui n’a pas peur de dénoncer, de disséquer la pourriture mais sait parfois faire montre de tendresse dans les portraits de ses personnages les plus démunis, les exclus d’une société à deux vitesses.
Excellent !
Edyr Augusto : LA grande révélaton du roman noir !
Sombre, violent et addictif, un véritable diamant noir d'une intensité dévastatrice !
L'écriture est habile, fluide et directe, toujours empreinte d'un réalisme implacable, cru, parfois dérangeant lorsque l'horreur est montrée sans fard, et pourtant dépourvu de surenchère - la cruauté sans borne de nombreux trafiquants sud-américains ne relèvent malheureusement pas de la légende.
L'intrigue, menée sur un rythme qui ne faiblit jamais, parvient pourtant à montrer à quel point la ville a une influence capitale et néfaste sur la vie et le parcours des personnages, réduits pour l'immense majorité à l'état de chair humaine à louer, à vendre ou à exploiter. le poids de la corruption pèse comme une chape de plomb indestructible sur une cité gangrénée par la pauvreté, où l'argent est la seule valeur reconnue alors que la vie d'un être humain ne vaut pas plus que l'éventuel bénéfice financier ou sexuel dont on peut en tirer.
Loin de jouer les guides touristiques, Edyr Augusto écrit avec rage et dénonce l'inhumanité de cette mégapole où il a toujours vécu, certainement parce que l'écriture représente le dernier et seul moyen qu'il a pour espérer ne serait-ce que "faire quelque chose", ne pas se résigner.
Le résultat est plus qu'un polar unique et fascinant. Belém brille comme un diamant noir encore un peu brut, dont certaines facettes possèderaient un éclat éblouissant, profond et unique, là où d'autres montreraient une noirceur plus sourde, plus rugueuse, plus abrupte et plus sale aussi, à l'image de certains personnages dont l'humanité a clairement marqué le pas et reculé face à la bestialité.
Et puis il y a cette noirceur toxique qui semble imprégner de plus en plus le déroulement et l'atmosphère de ce roman, les actes de ses personnages, dans un crescendo asphyxiant. Pourtant, Edyr Augusto n'en délaisse pas pour autant son intrigue.
Le premier chapitre, en cela, est trompeur, qui semble donner lieu à une enquête classique sur la mort par arrêt cardiaque dans son appartement d'un coiffeur de la jet-set, aimé de tous ses amis. Bien sûr, il y a les coupelles de cocaïne qui l'entourent et qui auront pu précipiter l'accident, mais si Gilberto Castro, membre de la police locale censé incarner le renouveau de celle-ci qui se retrouve chargé de l'affaire, en croit la domestique du coiffeur, celui-ci était « un homme bien ». Ce qu'elle persiste à affirmer même quand, peu après, Castro découvre un meuble chez la victime rempli de photos et de vidéos pédopornographiques, qui prouvent que le coiffeur aimait à se filmer lorsqu'il violait des enfants, y compris sa nièce, la fille d'une de ses amies de la jet-set.
Avec un tel chapitre, on pourrait croire le roman déjà balisé, or Gilberto Castro va être confronté à bien d'autres évènements, et s'enfoncer au fur et à mesure dans une trame aux multiples ramifications qui va vite prendre l'allure d'un cauchemar éveillé.
Avec ses portraits de personnages fascinants, son rythme trépidant, sa noirceur brutale mais réaliste, on dévore ce roman exceptionnel comme emporté par son ambiance vénéneuse.
C'est aussi tout ce qui fait la force, la puissance et l'intensité rares de ce chef d'oeuvre vénéneux et envoûtant.
Belém est l'une des grandes révélations du roman noir de cet hiver, et je languis déjà le 6 février prochain la parution de Moscow, le second roman d'Edyr Augusto.
Il est difficile de ressortir de Belém indemne. Ce n'est pas un roman noir qui cherche à être aimable - il ne l'est pas - mais il irradie une force et une intensité uniques et dévastatrices.
C'est incontestablement l'une de mes lectures les plus fortes et inoubliables de l'année.
J'en suis sorti en état de choc, avant de me retrouver en état de manque et de plus savoir quel livre ouvrir pendant deux semaines !
C'est ce qu'on appelle une pépite, et en l'occurrence un véritable bijou de littérature noire, qu marque les esprits... et qui fait mal.
Je ne connaissais pas cet auteur brésilien, mais c'est sans précautions inutiles que je me suis retrouvée plongée dans une violence extrême...et j'ai vraiment apprécié la lecture de cet ouvrage.
Un voyage au Brésil m'a fait connaître la touffeur et le mystère de l'Amazonie, mais de là à imaginer une telle violence ! C'est un roman d'accord, mais quand même écrit par un de ses habitants.
Il s'agit donc d'une histoire de vengeance. La vengeance qu'une petite fille , témoin de l'agression de son père et du viol de sa mère,fera grandir en elle , en poursuivant son idée fixe jusqu'au dénouement fatal.Rien n'est épargné au lecteur, partouzes, hémoglobine, et tout ça sans périphrases, c'est du brut, direct à l'action. La drogue bien sur n'est pas oubliée
Cette écriture « à l'os » sans fioritures et sans trop de soucis de syntaxe change des polars lisses. J'ai vraiment apprécié, même si le frère et sa star de copine n'étaient pas d'une grande utilité, sinon peut-être pour essayer de prouver que l'on trouve le vrai courage plus facilement chez le sexe dit faible ;
Il paraît que « Belem » est encore plus prenant..
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