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Alzheimer, cette maladie qui peut faire sourire, au début, tisse inexorablement sa toile jusqu’à l’anéantissement de la personne qui en subit ses assauts. Les proches ne sont pas épargnés et souffrent de plus en plus de voir l’être cher complètement déconnecté, comme le raconte, le fait si bien vivre Christophe Neyrinck dans son premier roman : Beckenbauer.
Passionné de football, l’auteur se laisse aller et remplace un nom compliqué, Alzheimer, par un autre nom allemand : Beckenbauer qui fut capitaine mythique du Bayern de Munich, de la mannschaft puis entraîneur de cette même équipe nationale allemande.
De son écriture pleine d’allant, avec un vocabulaire riche et varié, Christophe Neyrinck laisse parler Paul, son narrateur, confronté à la perte de mémoire de sa mère qui ne reconnaît plus personne et peut devenir agressive.
Les chapitres courts donnent un rythme salutaire au roman. Cela a le mérite d’éviter, pour le lecteur, de sombrer dans le désespoir, dans un pessimisme trop lourd à porter.
Paul aurait tant aimé dialoguer avec son père. Hélas, celui-ci a été emporté par le cancer quelque temps plus tôt. Voilà maintenant que sa mère, la femme qui, pour lui, comptait le plus au monde, est devenue absente, pire qu’une étrangère.
Heureusement, Paul peut s’appuyer sur sa sœur, Fanny, à la patience immense, toujours présente auprès de leur mère, Lily. Maintenant, le narrateur vit et enseigne à plus de mille kilomètres de Boulogne, sur la Côte d’Azur et il imagine ce qu’auraient pu être des moments de bonheur avec ses parents, son épouse, Marie, et leurs deux enfants, ces petits-enfants que Lily ne reconnaît même plus.
Quand il revient sur la Côte d’Opale, qu’il se plante en haut de ces fameuses falaises si bien décrites par Laurent Cappe dans Ours, publié aussi aux Éditions Vendeurs de Mots, Paul a des mots très durs à propos de sa région.
Après un bain de pieds salutaire dans l’eau très froide, le revoilà à l’Ehpad, avec Fanny. Là, il me fait partager des scènes révélatrices de l’état de sa mère. Malgré la douceur de l’aide-soignante, il a beaucoup de mal à supporter les réactions imprévisibles de Lily qui est vexante, frustrante alors que son état ne cesse de se dégrader.
En écrivant Beckenbauer, Christophe Neyrinck a entrepris une œuvre courageuse, pleine d’humanité, de réalisme, non dénuée d’humour. S’il explique bien l’originalité du titre, il n’oublie pas de signaler que ce footballeur est mort au début de cette année 2024, à 78 ans.
Comme la maladie, Franz Beckenbauer ne laissait aucun espoir à ceux qui se risquaient à l’affronter ; il était infranchissable, intraitable.
Cette maladie, Christophe Neyrinck réussit bien à nous faire prendre conscience de ses ravages, insistant aussi pour nous rappeler que, pour l’instant, elle n’est pas guérissable, même si la recherche progresse et réclame toujours plus de moyens.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/06/christophe-neyrinck-beckenbauer-5.html
Beckenbauer, une biographie du célèbre footballeur allemand surnommé le kaiser ? Que nenni.
Si Christophe Neyrinck a choisi ce titre pour son premier roman, c’est plutôt comme un pied de nez à cette terrible maladie neurodégénérative pour laquelle n’existe encore aucun remède.
Ce récit de vie romancé m’a captivée de bout en bout.
Paul, le narrateur, a voulu s’amuser à toiser la maladie et lorsque la question lui a été posée : « - Qu’est-ce qu’elle a ta mère ? », la réponse a jailli « - Alzheimer… ? Hölzenbein ? Ou Beckenbauer alors ? Je ne sais plus, un joueur de foot allemand en tout cas. » Il n’a pas pensé à mal, se défend-il.
Comment est-ce possible et depuis quand, exactement, sa mère, véritable « mère-poule » avec ses deux enfants, lui et sa sœur Fanny, est-elle devenue cet être froid et déconnecté de tout ?
Au début de la maladie, Paul s’en sort avec l’humour, et fait un peu le malin, une manière de botter en touche même si on doit l’origine de l’expression au rugby. N’y tenant plus, il fuit, s’éloigne de sa mère en quittant Boulogne, sa région, pour le sud de la France, avec l’assentiment de sa sœur.
Un texte très aéré, des phrases et des chapitres courts, une écriture sobre et pudique et des flashbacks judicieusement insérés confèrent à ce récit beaucoup de rythme et de justesse.
L’amour et la tendresse que Paul porte à sa mère, la douleur qu’il éprouve, le désarroi face à cette maladie qui chamboule tout, les regrets qu’il peut avoir, la culpabilité qui l’envahit parfois, tous ces sentiments sont superbement rendus, talentueusement transcrits au moyen de cet humour caustique que l’auteur déploie avec maestria, permettant une dédramatisation d’un contexte terrible et évitant ainsi un récit oppressant.
J’ai beaucoup apprécié cet humour un peu décalé qui a permis à l’auteur de prendre un peu de recul face à cette situation cauchemardesque qui est de voir la personne aimée dont on se souvient, « définitivement portée disparue ». Les retours en arrière donnent l’occasion à l’auteur de revenir sur son enfance avec un gamin parfois bien malicieux, sur le couple formé par ses parents, ses relations avec eux, d’évoquer aussi l’avenir dont il aurait rêvé pour lui et sa famille. En outre, de nombreuses réflexions émaillent et enrichissent la narration.
Christophe Neyrinck a fait preuve de beaucoup d’originalité et d’audace en personnifiant cette maladie, n’hésitant pas, tout au long du roman, à faire des allusions très pertinentes à cet illustre sportif.
Avec Beckenbaueur, publié chez Vendeur de mots, Christophe Neyrick signe un premier roman bouleversant, tout en sensibilité et pétri d’humanité, une belle réussite.
Beckenbauer de Christophe Neyrinck : un récit personnel à la portée universelle !
Lu et chroniqué en Service Presse.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/06/christophe-neyrinck-beckenbauer.html
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