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Un roman à l'ambiance singulière (et réussie), dans un village perdu au bord des lagunes atlantiques au sud de São Paulo, où l'ex des Brigades Rouges italiennes se fait écrivain voyageur et revisite l'histoire de la conquête du Brésil.
L'auteur, le livre (256 pages, avril 2020) :
Cesare Battisti (oui, "LE" Cesare Battisti, il n'y en n'a qu'un, celui des Années de plomb italiennes) fut aussi écrivain.
Au cours de sa longue cavale pour échapper à l'extradition vers l'Italie, il passe plusieurs années au Brésil : c'est là-bas que prend place Indio, un roman original qui se démarque des polars habituels de cet auteur sulfureux devenu écrivain voyageur.
Un bouquin étrange, inclassable, quelque part entre histoire à énigme et roman d'aventure.
Le canevas :
Le Gringo arrive à Cananéia (au sud de São Paulo) pour l'enterrement d'un ami qu'il a finalement peu connu : Indio Fernandes Pessoa, qui serait mort noyé dans un accident de plongée. Que cherchait Indio ? Un trésor englouti ?
Le pêcheur Preto connaissait bien Indio mais il meurt également, et lui c'est clairement un assassinat.
Le Gringo hérite d'un tas de paperasse abandonnées par Indio : il était sur les traces des premiers explorateurs européens, Barberousse et le Bacharel, débarqués bien avant les soutanes de l'histoire officielle de l'Église et des couronnes catholiques.
Mais est-ce qu'aujourd'hui on assassine encore pour de vieilles légendes ?
À la faveur des manuscrits laissés par Indio, quelques chapitres nous envoient promener dans un XV° siècle qui serait celui d'un Aguirre avant que la colère de Dieu ne s'abattent sur les indiens, "bien avant que vos prêtres plantent leurs croix sur nos terres et leurs épieux dans nos poitrines".
Les personnages :
Il y a là le Gringo : on ne connaîtra pas son nom, peut-être s'appelle-t-il Battisti, c'est lui qui vient à Cananéia poser ses questions de gringo à toute une galerie de personnages aussi excentriques que baroques, chacun plus singulier que le précédent.
Indio Fernandes Pessoa : un personnage mystérieux, tout à la fois artiste, cycliste et plongeur ; c'est après lui que court le Gringo pour éclaircir les circonstances de sa noyade.
Baiano, le Bahianais : un ami commun, un Nordestino, c'est lui qui hébergeait Indio.
Preto : un pêcheur qui connaissait Indio mais qui disparaît peu après lui.
Taio : une mystérieuse jeune femme guarani.
Et puis surtout, le fameux Mestre Cosme Fernandes dit le Bacharel, qui débarqua en ces lieux vers 1494 avec son ami le navigateur Hayreddin Barberousse : quand "le savoir d'un scientifique juif portugais rencontre l'ambition d'un amiral aventurier ottoman".
♥ On aime :
➔ Dès les premières pages, dans ce village de Cananéia perdu dans les lagunes de l'Atlantique, au sud de São Paulo, Battisti arrive à nous envelopper d'une langueur tropicale, paisible et nonchalante, dans une ambiance de bout du monde, une escale de fin de voyage à la Kerouac.
Ici on prend tout son temps, on ne répond pas souvent aux questions, ou alors peut-être plus tard, quelques pages plus loin.
Le village, surnommé Kilomètre zéro, est considéré comme le point de départ de la colonisation brésilienne, car c'est là que les premiers Européens auraient débarqué.
➔ Et puis au détour d'un chapitre, le récit s'empare de vraies-fausses légendes pour devenir roman d'aventures et nous conter celles du fameux Bacharel et de l'amiral Barberousse qui auraient donc débarqué ici bien avant les conquistadors et les évangélistes des églises et des couronnes catholiques : "le savoir d'un scientifique juif portugais" et "l'ambition d'un amiral aventurier ottoman" auraient de quoi bouleverser l'histoire officielle.
Mais "on ne tue pas un homme parce qu'il prétend réécrire l'histoire de la conquête du Brésil. Tu ne penses pas ?".
➔ Ainsi ira le roman, entre aventures historiques (celles de Bacharel et de Barberousse), intrigue à énigme (les morts d'Indio et de Preto) et divagations au bord de la lagune (Gringo, Baiano, Taio et d'autres). Curieusement cette sauce improbable réussit à prendre et s'avère goûteuse : le cuistot n'est pas manchot et la magie du lieu doit y être aussi pour quelque chose.
Une province de l’Italie, un jeune homme décide de quitter sa famille pour rejoindre le mouvement gauchiste. Il s’éloigne ainsi de son père, qui fut lui-même résistant et héros bien malgré lui.
Durant ses années de combat, le jeune homme va rencontrer Silvana qui l’initiera à l’amour et le quittera le ventre rond, portant son enfant.
Recherché pour crime, il s’exile en France comme beaucoup de ses camarades de révolution. S’en suit alors des années de clandestinité où ses souvenirs referont surface : son enfance, les histoires contées par son père et Silvana qui l’obsède chaque jour.
Vingt ans après, il apprend par une vieille connaissance que Silvana est morte et décide de partir à la recherche de Nada, leur fille.
Il suffit de lire le résumé pour faire tout de suite le rapprochement entre l’auteur et le narrateur : tous deux ont eu des ennuis avec la justice, tous deux se sont exilés en France.
En ce qui concerne la forme, l’écriture et le style de Cesare Battisti sont agréables et l’humour bien présent malgré une période sombre de l’Histoire.
Néanmoins, je suis ressortie mi-figue, mi-raisin de cette lecture.
Si je m’attendais à vivre la révolution italienne des années 70, je fus bien déçue ! Il n’est pas question de combat dans ce roman. En tout cas pas de ce combat là. Bien sûr, c’est inévitable, le narrateur distille tout de même des éléments liés à cette période, on ne peut pas retracer vingt années sans en parler. Mais le roman porte avant tout sur la recherche de soi, les souvenirs de l’enfance et la recherche permanente de points communs entre le jeune homme (dont on ignore le nom) et son père. Ce n’est nullement un roman engagé et l’auteur reste très flou sur cette lutte et son adhésion au mouvement gauchiste.
Mais pouvait-on en douter avec un nom comme Le cargo sentimental ?
Il se décompose en trois grandes parties : la première davantage liée à l’enfance du narrateur, la seconde à sa vie d’adulte et d’exilé puis la dernière à la recherche de sa fille.
Tout au long du livre, le récit prend le pas sur l’action. On oscille entre les souvenirs d’enfance, les histoires de son père résistant et la vie actuelle du narrateur, ce qui rend très souvent le récit brouillon. On s’y perd dans les méandres des souvenirs.
Néanmoins, en avançant dans cette lecture je l’ai trouvé de plus en plus agréable dès lors qu’il y avait une carotte à aller chercher : les secrets de famille qui refont surface et la recherche de Nada.
Un roman avant tout sur le poids de l’hérédité et la construction d’un homme dont les convictions sont contraires à l’époque. Mais aussi un roman sur l’importance du rôle de la femme dans la destinée de ces hommes activistes, résistants ou révolutionnaires.
http://livresselitteraire.blogspot.fr/2016/05/cargo-sentimental-cesare-battisti.html#more
Superbe!
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