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Vincent est un écrivain montréalais qui retourne à Tokyo 4 mois et demi après la mort de son amoureuse Arai Suzuko. Cette dernière était une artiste singulière et reconnue grâce à son amie Ona Ayumi qui l'a mise en avant dans sa galerie d'art contemporain. Vincent s'installe en location dans le dernier appartement qu'il a partagé avec Suzuko. Il est difficile pour lui de ne pas penser à elle alors qu'il erre dans les lieux où ils avaient l'habitude de se rendre . À tel point qu'il croise son fantôme à chaque coin de rue.
C'est un roman étrange où l'essence de la littérature japonaise entre réalité et rêve est bien contée.
Le roman comporte deux parties. La première raconte le retour de Vincent à Tokyo et sa dérive mentale dans son difficile deuil. "La présence de l'absence" de l'être aimé est si dévastateur et douloureux pour Vincent que ses amis s'inquiètent de ses hallucinations et tentent tant bien que mal de lui changer les idées. Ils le poussent à aller de l'avant. Il va alors rencontrer Kana lors d'un vernissage organisé par Ayumi, une étrange jeune femme aux paupières rouges incandescentes. Puis le roman bascule dans une deuxième partie où l'auteur retrace la relation particulière et passionnelle entre Vincent et Suzuko. Cette seconde partie semble totalement distincte mais elle apporte en fait un éclairage sur des éléments de la première partie.
Le style d'écriture est très particulier. Les phrases sont saccadées à certains moments et sans verbe. Cela renforce l'idée que les pensées de Vincent sont troubles et embrouillées mais aussi que sa vie est en suspension depuis le drame. Cela m'a déstabilisé au début puis ce langage m'est devenu naturel. Ce qui m'a permis d'évoluer dans le monde déroutant, onirique et fantastique de Vincent.
On retrouve dans cette lecture tout ce qui fait la littérature japonaise que j'aime : la poésie, le deuil et ses fantômes, la pudeur, le charnel. Il y a aussi cet aura surnaturel et folklorique avec l'évocation du Kitsune, l'esprit renard, prenant l'apparence d'une jeune femme.
Malgré tout je suis restée à la lisière de cette autofiction dont l'univers est finalement trop intime . Car oui l'histoire de Vincent est bien celle de Vincent Brault. Le même prénom et l'exercice du même métier sont des indices solides.
J'ai ressenti le trouble et la mélancolie mais jamais ce vide vertigineux du sentiment amoureux et/ou passionnel. La sensualité du couple est présente mais pas leur sentiment. Leur relation m'apparaît "bizarre" et éphémère comme cet art contemporain en filigrane dans l'histoire. Impossible d'en dire plus au risque de trop en dévoiler. Il faut le lire pour comprendre. Je me dis pourtant que si l'auteur a eu besoin de l'écrire c'est que ça l'a terriblement marqué et qu'il était forcément attaché à cette femme.
"Le fantôme de Suzuko" est une expérience littéraire troublante qui me fait encore cogiter après l'avoir terminé. Je n'arrive toujours pas à me décider si j'ai aimé ou pas. J'ai été un peu perdue avec ce style torturé et complexe où les émotions relevant de l'amour me manquaient. Dans tous les cas je ne regrette pas de l'avoir lu car il me fait encore réagir.
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