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Etienne le narrateur revient sur l'été 94, c'était il y a 25 ans, il éprouve la nécessité de donner sa version de ce qui s'est réellement passé cet été. Il a besoin de rompre le silence, un besoin absolu de vérité, il doit l'écrire.
On sait d'entrée de jeu que des adolescents ont été retrouvés dans la montagne. Ils étaient 11 au départ, il en manque un à l'appel. Ils avaient refusé de suivre leurs accompagnateurs. On en a conclu à l'époque à un accident, les adultes ont été condamnés, jugés responsables, mais que s'est-il vraiment passé la nuit du 23 juillet 1994 ?
Pour le comprendre, Etienne nous raconte. Il avait 15 ans à l'époque, ses parents le déposent à la gare pour un départ de trois semaines en colo, objectif : faire de la rando en montagne.
Etienne vient de "Le Quersigny", de la banlieue aisée, les autres, de "Grandin", quartier difficile du Nord de Paris. Il est jeté dans l'arène, il doit s'intégrer dans le groupe s'il ne veut pas souffrir.
D'entrée de jeu il est fasciné par Jessy, qui arrive en retard, il est plus âgé, un crâneur, un meneur, qui n'a peur de rien, il est libre même si au fond de lui c'est un rejeté, un cabossé, en manque de stabilité et d'amour. Jessy c'est l'inverse d'Etienne et les contraires s'attirent, Etienne veut lui ressembler. Pour lui, Jessy c'est le symbole de la puissance, de la liberté, il n'entendra pas sa souffrance, ne verra pas le danger.
Etienne va avoir envie de s'affirmer pour appartenir au groupe, enfreindre des règles pour devenir le César du groupe. C'est un roman initiatique, sortir de l'adolescence, s'affirmer, il va découvrir sa première cigarette, son premier baiser, sa première fois, ses premières conneries. On vit le groupe au jour le jour, pour comprendre comment on en arrive au drame, à l'unité du groupe, au silence.
L'écriture est très prenante, la plume magnifique, d'une grande justesse. on entre peu à peu dans la bande, dans la psychologie des ados, leur univers, la musique prend une jolie place. On s'approche peu à peu du drame, un suspense grandissant et un final incroyable vraiment inattendu.
Merci Boris Marme pour ce plaisir de lecture. Une claque ce roman !
Ma note : ♥♥♥♥♥
Les jolies phrases
Dans la vie, il fallait faire ce que l'on voulait et non pas ce que l'on était obligé de faire.
Ce qu'il y a de pratique avec le fait de n'être plus rien, c'est que les autres restent à distance et ne vous importunent plus.
Apprendre, c'est détruire, c'est conquérir.
En trois semaines, au cœur du groupe, j’ai bien plus appris et détruit qu’en plusieurs années. Apprendre, c’est détruire, c’est conquérir. Emporté avec les autres, dans le mouvement puissant du groupe qui s’est mis en branle et qui a roulé de blagues en conneries inacceptables, nous avons dévalé la pente comme un rocher furieux jusqu’à la chute.
Je courais vers la connerie, vers l'incontrôlable, laissant derrière moi mes principes et mes valeurs. Je courais pour ne plus penser à ce que je faisais.
https://nathavh49.blogspot.com/2024/05/appelez-moi-cesar-boris-marme.html
Terrible déploiement d'un drame. A ne plus laisser partir ses ados en colo !
Deuxième roman de Boris Marme, fort bien construit, car si l'on sait dès le début, dès le prologue titré "Rien qu'un épilogue", qu'un drame s'est déroulé, on ne sait pas lequel et la suite du roman est la montée en tension vers l'acmé, le tragique. Très bien fait donc, mais long, j'eusse préféré que le séjour de deux semaines détaillé jour par jour ne durât qu'une semaine ou que les journées de 24 heures n'en fissent que 12. Un peu plus de trois cents pages pour un roman qui, condensé eût été quasi parfait, tendu du début à la fin.
Cette remarque mise à part, j'ai bien aimé l'histoire et sa construction, ça vous l'aviez compris, mais aussi le soin apporté aux personnages, des ados en plein questionnements et souhaits de dépasser les limites. Si Étienne et Jessy sont les plus décrits, les autres ne sont pas en reste, et le groupe est crédible, réaliste. C'est un roman initiatique qui met en scène des jeunes gens qui, sans cesse, se cherchent, doutent, se jaugent, se jugent et veulent surpasser l'autre pour exister.
Boris Marme donne une image fidèle des années 90, la musique, la société, les préoccupations de adultes et des adolescents, le racisme, la montée du front national, le sexisme... tout ce qui, trente ans plus tard, est toujours d'actualité.
Le texte de Boris Marme est beau, très bien écrit, qui varie les niveaux de langage, lorsqu'il passe par exemple des dialogues au récit. Travaillé, fluide, il coule très agréablement. Franchement, mise à part ma réserve du début -c'est mon côté grincheux-, j'ai trouvé ce roman excellent sur tous les plans. Un écrivain à découvrir et dont je cite les premières phrases, histoire de mettre en appétit :
"J'imagine que l'alerte fut donnée aux alentours de 8 heures. Les trois moniteurs prévinrent finalement les gendarmes.
Ils avaient sans doute pensé pouvoir régler ça eux-mêmes, ils avaient attendu une bonne partie de la nuit, avec les jumeaux, les deux seuls qui n'avaient pas participé à la mutinerie, attendu au pied de la montagne, plus agacés qu'autre chose par nos comportement de p'tits cons, déterminés à nous laisser nous démerder et à prendre les mesures qui s'imposeraient pour régler cette affaire." (p.9)
Étienne a 15 ans lorsque ses parents l’inscrivent à la colonie de la Miséricorde. Sa mère en a parlé avec la boulangère, qui lui a vanté les mérites de ces 3 semaines de randonnées, de vie au grand air, d’amitiés viriles… Étienne ne le sait pas encore, mais cette parenthèse estivale changera à jamais ce qu’il est.
Appelez-moi César est un roman sublime, un roman qui touche, qui égratigne, qui marque. C’est l’histoire prenante d’un adolescent qui s’efface, se dissout, s’éteint, après s’être révélé, éveillé et avoir déployé ses ailes.
Être un adolescent cet été 1994, trouver sa place au sein de ce groupe de garçons qui semblent déjà se connaître, s’affirmer et ne pas être isolé, c’est l’objectif d’Etienne. Aristote, Charbel, Michaël, Franck et tous les autres vont devenir son univers, ceux autour de qui tout tournent, ceux qu’ils ne faut pas décevoir. Accepter et réussir des défis idiots, dépasser ses peurs, ses doutes, se cacher derrière un masque ou afficher son vrai visage, Étienne va quitter l’enfance auprès de ces garçons.
Et puis il a Jessy… Sa prestance, son courage, cette révolte qui bouillonne en lui. Étienne voit en lui à la fois un modèle mais aussi un être fragile, qui poussent les limites, qui ne respecte aucune règle, aucun adulte. Est-ce celui qu’il faut suivre, ou celui qu’il faut combattre…
Boris Marme a une écriture si juste, si mélodieuse, si harmonieuse, qu’on est littéralement happé par l’atmosphère de son roman. On porte un regard tendre, parfois incrédule, voire horrifié, sur ces adolescents que rien arrêtent. Rapports de forces, rapports aux corps, ces garçons nous plongent dans leur univers, peuplé de virilités exacerbées et de fragilités cachées.
Qui de tous ces adolescents sera César ? Le temps d’une heure, d’une nuit ou d’une vie. Tous espèrent voler cette première place. Peu auront le courage de la garder, car elle n’est pas que fierté, elle est aussi empoisonnée…
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