A travers le regard de Louise, adolescente de 17 ans, nous découvrons le lynchage psychologique dont est victime sa mère
A travers le regard de Louise, adolescente de 17 ans, nous découvrons le lynchage psychologique dont est victime sa mère
Premier opus d'une collection qui se définit elle-même comme un défi éditorial, "Grande Échappée" est une bande dessinée qui interprète très librement le poème "La Panthère" de Rainer Maria Rilke. Adressée au public adolescent, elle se donne pour challenge d'encrer la poésie dans la vie — un bel objectif au moment où les lecteurices sont enclin à écrire (particulièrement de la poésie) mais s'en éloignent aussi en raison d'une approche scolaire qui les coupe parfois de leur capacité à ressentir et interpréter eux-mêmes les mots et leurs images.
Ici, Bérengère Delaporte construit un beau personnage de jeune fille qui sort de l'enfance, qui se projette vers ses rêves (la danse) et perçoit les barreaux de la cage que son père construit autour de sa famille et en particulier de sa mère. C'est elle, Louise, la jeune fille, qui va permettre à la colère et à la panthère blessée de s'exprimer, de se libérer. Dans une apparente économie de moyens (noir, bleu et jaune), un trait léger et dansant, l'autrice transmet une histoire forte d'emprise et de révolte. Est-ce que ce bel objet touchera les ados ? Il mérite en tout cas de leur être mis entre les mains !
La poésie existe pour toucher au cœur, à l' âme, des fois plus que d'autres et toujours de façon intime et personnelle. Elle entre en résonance avec qui nous sommes et ce que nous portons.
C'est de cette façon, muée par l'amour du poème "Der Panther" et tout ce qu'il invoquait chez Bérengère Delaporte qu'est née cette "variation graphique".
"Grande Échappée" conte les barreaux invisibles, cette cage mentale que les hommes et les femmes sont capables de créer pour maintenir en captivité leurs emprises. Petit à petit, briques par briques, le ciment qui enferme et qui invisibilise.
Dans de magnifiques graphismes ce qui se tapie dans l'ombre est mis en lumière, le courage comme la bassesse, l'espoir comme la force.
Les corps sont pleins de grâce, ils dansent la vie, la liberté, ils dansent la poésie.
En peu de pages mais beaucoup d'émotions, "l'électrochoc" a lieu et les yeux s'ouvrent, enfin, sur la violence latente dont est victime Camille, la mère de Louise.
Maintenant il faut réussir à briser les chaînes, ensemble.
Parce que le dessin nous offre à voir ce qui est invisible, l'autrice dénonce avec force et talent les rouages de la violence psychologique et son enracinement.
Une bande dessinée plus qu'importante !
Cette variation autour d’un poème de Rilke est une vraie réussite en abordant l’enfermement d’une femme (et de ses enfants) par les comportements toxiques et les injonctions de son mari. La mère va parvenir à dépasser son enfermement (à tous les sens du terme) pour offrir la liberté à sa fille (de quitter la maison et de prendre des cours de danse) et, par là même, d’affirmer une certaine liberté en remarquant son territoire.
Toutes les chroniques ci-dessous saluent avec pertinence les qualités et l’intérêt de ce petit livre. Je ne reviendrais donc pas sur le détail de l’histoire, etc. ; pour retenir en particulier la « poétique » (au sens du « faire » : thématique développée par Paul Valéry et reprise par Benoit Peeters dans sa leçon inaugurale au Collège de France : cf. ma chronique sur cette leçon) de ce petit ouvrage qui par sa forme joue sur plusieurs registres :
- Si le graphisme est un peu enfantin et ne cherche nullement le réalisme … c’est pour mieux décrire la réalité du comportement toxique du mari et de l’enfermement anesthésiant auquel il conduit ;
- Les « cases » sont quasi absentes ; là encore exprimant une certaine liberté alors que c’est bien d’enfermement et de cage dont il est question ;
- Un ouvrage de petite dimension (63 pages de dessins) qui veut ainsi garder une certaine « légèreté » alors que l’histoire est pesante !
Quand fond et forme se marient avec cette finesse on apprécie et on espère qu’il pourra être utile et servir à d’autres libérations … alors il faut faire lire cette «Grande échappée »
Titre en lice pour le Prix Orange de la BD 2024. Remerciements aux éditions Nathan et à Lecteurs.com pour la communication de cet ouvrage.
Une adaptation toute personnelle du poème de "La panthère" de Rainer Maria Rilke.
Dans cette bd, les vers prennent vie sous le dessin de Berangère Delaporte pour nous donner une porte d'entrée vers un univers beaucoup moins poétique, celui de la violence psychologique.
L'intimité d'un couple et d'une famille mais aussi son rapport au monde extérieur sont mis en évidence par des planches en noir et blanc dans lesquelles une panthère transparait par moment, seule couleur dans ces ténèbres familiales. Les métaphores visuelles fonctionnent. Les planches sont fortes, bien pensées pour exprimer l'enfermement, les émotions et les contradictions des protagonistes.
D'un point de vue narratif, quelques faiblesses. La prise de conscience opérée par la mère suite aux échanges avec sa fille est un peu rapide, ne témoignant pas du long processus souvent nécessaire pour parvenir à partir et des nombreux va et vient présents dans ce type de situation. Cet écueil de l'histoire permet cependant de rendre la lecture accessible au plus grand nombre (dont le public adolescent). La bd pose avec sensibilité les bases pour pouvoir ensuite approfondir le sujet des violences psychologiques et échanger.
Le pari est tenu pour ce tome de la série PoésTrip de Nathan, nous faire découvrir la poésie autrement.
Lu dans le cadre du Prix Orange de la BD 2024. Merci à Lecteurs.com et aux Editions Nathan pour l'envoi
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