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« Au nord tes parents », un hymne à la mère, d’une puissance évocatrice, poétique, déchirante et fondamentale.
On lit et relit ce texte si fédérateur.
Trois, le père, la mère et le fils (narrateur) sont dans une voiture, en direction du nord.
Serait-ce la parabole d’une fuite intérieure ? La transhumance vers un meilleur pré ? La métaphore vertigineuse et voyageuse, et l’enfant qui rêve, imagine à l’arrière ?
« J’étais leur soleil et leur lune. »
« Plus le monde était flou, plus je me sentais vivre comme si ma vie n’était qu’un passage... »
L’enfant de doutes et de larmes, de mélancolie, une corbeille de fruits qui a perdu ses saveurs sucrées.
Un enfant de lune qui pressent sa mère mourante, un cancer.
Le nord inachevé, la corde qui cède immanquablement. La fin d’un périple initiatique où tout était encore possible.
L’amour d’une mère sauve tout. Même les vastes dangers invisibles et les rêves inaccessibles.
Un père rude et mal aimant.
« Mais comment maman pouvais-tu aimer ce bonhomme sinistre ? »
L’escapade routière est figée. La mère a déposé son manteau de pluie. Sa maladie flotte dans les rigoles. La noyade de l’amour, la finitude des tendresses allouées.
Elle n’est plus. Mais divine dans le plein de ce texte magnétique, lumineux, comme une chance à retardement de cet autrement.
L’enfant de deuil et de bois mort, pleure sans larmes. L’oraison d’amour maternel, la matrice refermée, sans elle.
« J’ai confiance / Je te retrouverai / dans des tas d’autres gens il y aura des morceaux de toi...Souvent on passe sa vie à ça recoller les morceaux des amours qu’on n’a plus. »
« Au nord tes parents » est d’une beauté douloureuse et irradiante. C’est ici, le chant pur. L’élixir de tendresse et un enfant bercé par l’impalpable.
« On épingle les planètes dans nos têtes tout un système solaire pour les jours de solitude. »
La résilience à l’instar d’un paravent. La quête d’une quiétude dans la virginale blancheur d’un grand nord intérieur.
« Au nord tes parents » est le regain pour demain. L’exemplarité de ce jeune garçon, poulbot devenu est l’acuité boréale.
Un monologue universel, éminent, l’épiphanie verbale.
Un texte bouleversant, magnifique, doré d’empathie souveraine.
On pleure tant on écoute ce fils des migrations intérieures, oisillon tombé du nid trop vite et trop tôt. Mais qui nous murmure de rester en vie. De suivre sa voie, et d’admirer les étoiles autrement.
Lui, qui a perdu sa mère et suit sa trace en pleine voûte lactée, au nord toute.
Le voyage arrêté au cadran des aiguilles vacillantes. Les mots de cet enfant transcendent le mur du son.
Un lâcher-prise fabuleux et vivre, enfin de cet apprentissage à la solitude et à la liberté.
La rédemption.
Ce livre est un chant funèbre majestueux.
Il suffit aussi d’admirer la couverture de Renaud Buénerd pour comprendre que l’heure sera l’apothéose.
Après , « Chômage monstre », « Poser problème », et « Les Chevals morts », Antoine Mouton est dans la cour des grands.
Publié par les majeures Éditions La Contre Allée.
D’utilité universelle, clef de voûte, ces morceaux d’architecture sont à lire et relire mainte fois. Se rappeler à l’infini de cette trame dévouée aux rois des trottoirs. Des égarés dans le labyrinthe des solitudes. Claquant, puissant, sombre mais si beau ; lampe de poche dans la toile touée des éperdus, des silencieux. Ces fragments signent le sociétal, péril des sans-noms. Antoine Mouton est ici, pose pierre après pierre, la Babel des écorchés vifs. Il déploie les mots sur les maux, réchauffe les frigorifiés, ceux, recroquevillés dans les sentiers piégés par les inégalités, l’ubuesque du monde, les écueils où le chômage est la seule sortie de secours. « 10 h 09 : J’ai travaillé de travers on m’a viré. J’ai fait demi-tour y avait rien de l’autre côté. J’ai refait demi-tour pour vérifier y avait rien non plus… 10h 12 : J’ai pas vraiment d’exigence, j’ai bien vu que derrière les mains tendues la plupart du temps y a pas de bras. » Antoine Mouton joue avec les mots, saut dans la flaque. « 10 h 17 : Mais personne n’est jamais revenu riche de l’île de Pré-Karité. » 12 h 32 est le lever de rideau, levier et certitude. Le passage citadelle d’un chantier à polir. L’autre, soi, l’indifférence, porte qui claque et les paroles regain d’un auteur éveillé et attentif. « 12 h 32 : Combien de fois vous êtes-vous artificiellement remonté le moral sans vous remettre en question ? 12 h 36 : Vous oubliez facilement ce qui ne vous concerne pas directement ? » On reste entre ce rocher de Sisyphe, ce trou noir, la vulnérabilité et les contre-chants. Antoine Mouton déroule le tapis, minute après minute, le choc est violent. Il est la vie, ce qui se passe entre les murailles, fissures de notre contemporanéité qui tourne le dos à l’intégrité et à la dignité. « Tout ce qu’on ne sait pas de Mouss » est un cri dans la nuit. « 17h 41 » et les cloches sont le glas. On pleure, couverture de laine, flocons de neige, cristaux sanglots. Que cette litanie est grave, profonde et sinueuse, l’humanité macrocosme Mouss à 17 h 51. « L’ordre de Malte est dans la rue signifiait : l’hôpital n’est pas loin, conduis-moi jusque-là. Je n’ai pas voulu l’entendre. » Je voudrais vous dire l’importance de ce livre éclat. Je retiens ce sablier, regarde le sable s’écouler. Chacune des syllabes est un outil. Un grain de sable démultiplié. Les photos subrepticement figent les alphabets d’honneur, liant entre les heures et ses semences « 21 h 11 : Nous n’aurons pas donné de solution mais nous aurons peut-être posé un problème plus vaste. » « Poser problème » est une urgence de lecture. Offrez ce livre à chacun de vos amis. Glissez le dans chacun de vos doutes. Puisez le grave, cet écho qui resurgit, pavlovien, pour changer les couleurs à jamais. « 2 h 00 : On fait de la naissance un sens unique mais on naît bien des fois. » Je suis fière de l’avoir lu. De le détenir, de le posséder (double-sens) comme une flamme. Les Editions La Contre Allée ont compris. Cette pépite est : il est 5 h 32. « C’est le solstice d’hiver les premières fenêtres s’allument… » Pour vous lecteurs !
Un récit détonnant, fort et brut. Un récit qui crie la hargne et l’injustice. Etre un caillou est rude lorsque l’on est un homme ! Un texte réédité, porté par une maison d’édition que j’affectionne particulièrement.
A lire à déclamer, à relire et à offrir! Une plume singulière mais décapante!
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