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Magda a 9 mois. Sa mère rend visite à Tante Charlotte. Il y a Marc aussi, son frère aîné, enfin, de peu. Il est né la même année, les deux enfants n'ont que 11 mois d'écart. Le père, fatigué, est resté à la maison pour faire une sieste. Marc s'amuse, il fait tomber de la table du salon une boîte du panier à couture de Tante Charlotte, les épingles se répandent sur le sol, la mère s'affaire à les ramasser avant que Marc ne se blesse. La petite Magda, elle, s'approche de la bouilloire qui, pour une raison indéterminée, va tomber du meuble où elle est posée, laissant l'eau bouillante se déverser sur le corps de la petite fille. De l'accident, Magda ne se souvient pas. Mais des conséquences, assurément !
Ce roman, il résonne en moi comme un cri, un terrible cri que l'écriture permet de pousser et dont l'écho prend différentes dimensions.
Il y a ce corps meurtri bien sûr, les brûlures que vous imaginez. Anne GODARD les exprime avec beaucoup de délicatesse mais aussi gravité. Elle rivalise d'ingéniosité pour trouver les images qui nous feront partager, le temps d'un livre, les souffrances physiques endurées.
Mais ce roman, c'est avant tout un profond cri du coeur. En prêtant sa plume à Magda, Anne GODARD va donner de la voix à celles et ceux qui sont réduit(e)s au silence. Magda l'a été, au sens propre, dans une maison dans laquelle même le cri du nourrisson s'est tu, l'écrivaine empreinte, elle, les chemins inexplorés du sens figuré. Avec une narration à la première personne du singulier, la force du propos est amplifiée.
L'auteure use du prétexte d'un accident domestique qui ne manquera pas d'entacher les relations mère/fille.
Ce roman, c'est aussi un profond cri à l'injustice. Alors même que la petite Magda souffre, qu'elle est hospitalisée sur de longues durées, la famille, les amis, les autres en général s'apitoient sur le sort de la mère. La narratrice éprouve un ressentiment incommensurable. Anne GODARD sème les premières graines d'une prise de conscience. Si le réflexe des adultes peut paraître assez naturel devant un enfant de 9 mois qui ne parle pas encore et ne peut mettre des mots sur ce qu'il ressent, il l'est beaucoup moins ensuite mais les habitudes sont prises. Magda crie haut et fort combien l'attention des autres a été dévoyée, la privant, elle, de ce qu'elle aurait pu lui apporter pour se construire.
Anne GODARD aborde, en toile de fond, le sujet de la différence et plus précisément celui du regard des autres sur la différence. Gilles MARCHAND l'a fait de façon poétique et fantaisiste dans "Un funambule sur le sable" avec Stradi, un personnage qui est né avec un violon dans la tête, Anne GODARD l'approche, elle, en restant les deux pieds dans la réalité, mais les deux auteurs tentent de répondre à la même question : : en quoi une différence détermine-t-elle l'identité d'un individu ?
Magda fait partie de ces enfants qui ont survécu à un accident mais qui en en porteront l'empreinte jusqu'à la fin de leurs jours. Il n'est pas écrit sur leur front que leur corps est meurtri et pourtant
A moi, maintenant, de lancer un cri, et ce sera celui de la victoire ! Je ne connaissais pas encore la plume de Anne GODARD dont "Une chance folle" est le 2ème roman, son premier "L'inconsolable" date de 2006. Elle est singulière et remarquable, caustique à l'envi, elle nous livre un roman à découvrir absolument. L'histoire pourrait être plombante, elle en fait un véritable sujet de philosophie.
http://tlivrestarts.over-blog.com/2017/11/une-chance-folle-de-anne-godard.html
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