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Voilà le genre de roman dont on peut difficilement juger le propos. Difficile de dire « Je n’ai pas aimé cette histoire sur les troubles alimentaires. » De même que « Super ce récit sur la maladie de cette jeune fille ! » On frôlerait le mauvais goût. On lit ce genre de roman en sachant à quoi s’attendre, pour découvrir l’anorexie « de l’intérieur », comme seule celle qui en est atteinte peut en parler. Au mieux, je pense qu’on peut en dire « J’ai appris quelque chose », ou bien encore « J’ai été touché. » Quelques remarques en guise d’introduction, j’y tenais.
C’est à travers le personnage de Camille qu’Anne-Charlotte Lacroix a décidé de se raconter. « Par pudeur ou peut-être facilité. » Pour atténuer la souffrance, peut-être. Déléguer le discours à un double fictif qui peut tout dire, tout entreprendre, tout espérer, tout redouter. Écrire en son nom n’aurait peut-être pas permis à l’auteur les libertés qu’elle a octroyées à Camille. Beaucoup de « peut-être », car je ne souhaite rien affirmer : Anne-Charlotte Lacroix a (sur)vécu à l’anorexie et la boulimie à sa façon. Des maux qui lui ont volé une partie de sa jeunesse et de sa santé. « En rentrant de vacances, Camille avait perdu beaucoup de poids mais cela ne semblait inquiéter personne. Était-elle si transparente aux yeux des autres ? Que fallait-il faire pour qu’on la remarque enfin ? » Tout est dit, ou presque. Derrière les tortures infligées à son corps, le besoin d’exister. J’ai imaginé Camille en adolescente bien sous tous rapports, fragilisée par le manque d’attention d’un père très pris par son travail, les ambitions éteintes d’une mère multicasquette. Puis, surtout, bouleversée par les désordres psychologiques de sa jumelle. Cette partie d’elle qui la première a embrassé la maladie. Concurrence morbide ? Sororité ? Je ne me lancerai pas dans une analyse de la relation des deux sœurs, mais on peut se poser la question. De ses rituels alimentaires à l’aiguille de la balance qui s’envole vers la gauche, Camille se livre, au fil des hospitalisations et des internements en maison de repos. Mépris du corps médical, impuissance douloureuse des proches et peur du regard des autres, l’héroïne, motivée par ses études, retrace son parcours avec lucidité.
Sans être de la grande littérature (ce n’est pas ce que j’en attendais), ce roman propose une approche assez originale de la maladie : créer un autre pour lui donner la parole, pour répondre au besoin de s’exprimer. Si l’auteur mentionne en préambule sa volonté de n’avoir pas voulu toucher à la syntaxe de ses écrits pour conserver leur spontanéité – et je peux le comprendre – une correction rigoureuse aurait été nécessaire. Cela n’aurait rien enlevé au texte, au contraire. Quant au sous-titre, « Combat d’une jeune anorexique », il n’est pas représentatif du roman, qui porte en grande partie sur la boulimie. J’ai comme une impression d’inabouti et je reste sur un avis très mitigé.
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