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Lucas est maître-nageur. Pas un maître-nageur svelte ou un ancien sportif de haut niveau. Non Lucas est simplement maître-nageur, il aime son métier et surtout, il est fait pour ça. Ça se sent, les enfants sont en confiance avec lui, il a la bonne approche, les bons gestes, il sait rassurer. Bref, Lucas est un très bon maître-nageur. Pourtant, ce n'est pas ce que voulait sa mère. Elle le voyait violoniste et pour ça, elle lui a payé des cours HORS DE PRIX. Et quand il a voulu prendre des leçons de natation, elle n'avait qu'une seule idée en tête, mon fils sera un champion... Non Lucas est maître-nageur et il est heureux, surtout depuis qu'il a coupé les ponts avec sa mère. Mais là, il vient d'être averti qu'elle était à l'hôpital et il sombre... Tout remonte à la surface, il ne dort plus, il a de l'eczéma, il n'est plus que l'ombre de lui-même. Va-t-il trouver la force nécessaire de s'éloigner de ses démons ? Ou va-t-il sombrer encore plus ?
Alice V.D.M. nous livre un récit fort bien mené et surtout très imagé à travers Billie, cette jeune femme qui vient s'installer chez Lucas sans qu'il puisse décider de quoi que ce soit et alors même qu'elle est en train de lui pourrir l'existence. Cela permet au lecteur d'identifier le mal-être et j'avoue, j'avais bien envie de la mettre dehors cette Billie, à coup de pompe dans le c.... Pour la partie graphisme, les couleurs sont vives et le dessin est très expressif. Au départ, je n'étais pas très en phase avec ce choix et pourtant, plus j'avançais dans cette lecture, plus j'aimais. Maintenant, je me dis tout simplement qu'un autre choix n'aurait pas pu convenir pour ce récit.
Combattre sa famille, faire ses choix, ne pas se laisser dévorer par une relation toxique ... Un sujet fort et très justement porté par l'autrice. Un grand bravo à elle. Une lecture qui a su me toucher, alors que je ne m'y attendais pas.
Alice V.D.M. est la lauréate du Prix Raymond Leblanc 2022.
La bande dessinée d’Alice V.D.M. commence par l’arrivée de nuit d’une femme, cigarette à la bouche. Face aux immeubles rigides, elle est oblique et ses mouvements, sa forme même joueront bientôt un rôle dans la vie de Lucas. Celui-ci est dans son appartement, à l’aise, joyeux devant la natation et cette femme s’insinue pour ne jamais partir. La bande dessinée alterne le quotidien de Lucas, fait de la joie de son métier de surveillant de piscine et de la confrontation avec cette femme, et son passé plus trouble. Revient régulièrement une scène traumatisante. Sa mère allongée sur le sol, évanouie. Lucas porte en lui la responsabilité de ce souvenir d’enfance, d’une bêtise qu’il aurait faite. Ainsi, il est régulièrement submergé par ces réminiscences du passé sur lesquelles ne manque pas d’appuyer sa visiteuse. Celle-ci hante Lucas et graphiquement, donne le ton à la narration. Alice V.D.M. joue sur sa taille, sur ses mouvements, sur un sourire difficile à cerner, toujours source de malaise. Il y a quelque chose qui ronge Lucas de l’intérieur et a pris vie dans sa vie. Il transporte avec lui ses fantômes. La douleur psychologique du personnage devient rapidement physique et attaque l’intégrité de cet homme. La maltraitance qu’il subit trouve ses origines dans les souvenirs d’enfance qui deviennent plus clairs. La fragilité de Lucas s’éclaircit pour exprimer la détresse de sa situation. C’est rapidement un combat qui se met en place entre Lucas et son passé, entre cet homme et ce monstre au sourire carnassier. La figure de ce mal est fascinante et visuellement, permet à l’autrice de raconter beaucoup sur le personnage de Lucas sans s’étendre dans les explications. On ressent énormément le mal-être du personnage et sa difficulté à exprimer clairement ses obsessions, surtout quand elles sont mêlées à un sentiment de culpabilité. C’est une bande dessinée pleine de fougue et d’intensité sur un être qui s’aperçoit que la vie est parfois plus belle sans certaines personnes. La séparation peut amener la libération de l’esprit et l’apaisement du corps. En traitant les deux aspects de cette introspection, Alice V.D.M. parvient à raconter une vie qui déborde où l’imaginaire, le surréalisme éclaircit le réel, transformant le quotidien de Lucas en cercle vicieux et tortueux. Ce mouvement étouffant et destructeur est admirablement saisi par l’autrice.
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