Des romans policiers à offrir ? Faites le plein de bonnes idées !
Se basant sur son vécu mais en y ajoutant beaucoup de fiction, Alain Guyard a réussi un récit haletant, intriguant et passionnant- jusqu’au bout.
Pour bien mettre le lecteur dans l’ambiance, il offre, en guise d’introduction , « L’Épitaphe de Villon en forme de Ballade », plus connue sous le nom de « Ballade des pendus ».
La Zonzon nous entraîne sur les traces de Lazare Vilain qui va être amené à enseigner la philosophie à la maison d’arrêt de Nîmes puis jusqu’aux Baumettes, à Marseille. L’auteur se sert de sa propre expérience pour décrire le milieu carcéral. C’est cru et direct. D’emblée, il reconnaît que ses copains d’enfance sont devenus gendarmes ou militaires pour échapper à la misère ou au chômage. Quant à ceux qui sont rétifs au képi, ils sont … taulards !
Une bonne partie de l’histoire se passe derrière les murs où Lazare Vilain rencontre des gens, souffre du bruit et des odeurs tout en supportant la tchatche… Pour respirer un peu mais aussi pour commencer à nouer l’intrigue, l’auteur nous emmène dans un club de boxe nîmois. Les expressions fleuries agrémentent le récit qui voit notre prof de philo pris dans une histoire bien périlleuse. « Il y avait du mou dans la boîte à gamberge » et l’enseignant n’arrivait plus « à supporter l’entrouducutage très glandilleux des corps d’inspection ». Il faudrait citer beaucoup de pages, morceaux choisis ne rendant compte, finalement, que de la triste réalité d’administrations qui se sclérosent toutes seules.
Avec talent, Alain Guyard rend bien compte des tourments qui agitent les personnes détenues sans se départir d’un humour salvateur. C’est alors qu’arrive Leïla qui intervient aussi en prison et qu’il n’a de cesse de vouloir retrouver. Au fur et à mesure que se déroule l’histoire, l’auteur nous raconte Socrate qui inventa la philosophie en prison. Il note aussi cette réflexion si vraie : « Ici, en zonzon, y a plus que l’amitié qui tient. » Plus loin, lucide, Lazare Vilain constate : « J’étais le Facteur Cheval du crime… » Les discussions en cours de philo sont passionnantes et peuvent entraîner loin avec Redouane qui parle des bordels d’Alger. Une bonne séquence décrit aussi la fameuse corrida annuelle, sans mise à mort, organisée sur le stade de la maison d’arrêt de Nîmes. L’histoire s’emballe et se révèle être un vrai polar.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
La gouaille et l'humour d'Alain Guyard explosent à chaque page de cette approche philosophique de la "soudure considérée comme un des beaux-arts" (dans tous les sens du terme). Découvrez Héraclite comme vous ne l'avez, encore, jamais lu.
Extrait : "Cyndie avait récupéré des ailes de bagnole dans la casse aux Patrac, et avec un système incroyable de poulies et de chaines, elle était parvenue à les hisser le long de la façade de la baraque. " [p22]
Quand Ryan met le nez dans ses comptes le dix du mois, il réalise à quel point la situation est critique, il ne lui reste plus que 19 euros pour tenir jusqu'à la fin du mois. Maintenant qu'il compte fonder une famille avec Cyndie, qu'ils veulent avoir un enfant il va falloir qu'il change de vie. Mais comment faire pour joindre les deux bouts, pour faire la soudure d'un mois sur l'autre quand on ne vit que d'expédients, de petites combines : une seule solution s'asseoir sur sa conscience et se "réinsérer" dans la délinquance, la vraie, l'organisée, celle qui rapporte.
Sur la voie de la "réinsertion" Ryan va faire la connaissance de personnages hauts en couleurs qui vont l'aiguiller, le conseiller. Tout d'abord il y a l'avocat marron, protecteur de tous les trafics, Maîte Carré, dit maître Cube, qui va l'orienter vers la voie la plus conciliable avec ses idéaux. Ce sera le vol. Sur son chemin il va croiser aussi le Capitaine, ancien capitaine de la marine marchande qui va lui expliquer le système capitaliste. À l'aide de son cher Homère, il va lui montrer que le vol est justifiable, que l'État lui-même est un voleur. Avec l'aide d'un clan de gitans et sous la direction spirituelle du Capitaine, ils vont devenir des malfrats cultivés et adulés, ridiculisant la police et les politiques. Le vol va devenir pour eux un acte quasi mystique.
"- Copain, j'ai compris ma place dans l'univers : je suis un serviteur de Kali. Et maintenant, j'ai une très sainte mission : héracliter tous les malheureux bourgeois, et les aider à plus se cramponner aux choses...
Il tourna sur lui-même au milieu de la carrée, le bénouze en bas du cul, chancelant, les yeux bizarrement phosphorescents et faisant des moulinets avec ces sabres invisibles dans des postures approximatives d'art martial, il beugla :
-On va piller humaniste mon pote !...Aider les gens à lâcher prise en les détachant de leurs biens de ce monde ! Puis il tituba jusqu'à Ryan et l'attrapa à la nuque, sa bouche contre la sienne, mêlant leur haleine alourdie de ganja, il murmura avec des accents vibrant d'émotion :
-Frère, toi et moi, à partir de maintenant, on va chouraver mystique."
La soudure est un roman picaresque , il raconte la vie de gens qui vivent en marge de la société, à son dépend, il tourne en ridicule ce monde dans lequel nous vivons. Ce roman jubilatoire, hilarant par moment n'est pas que cela, c'est surtout une critique sans concession du monde capitaliste, un roman éminemment politique et social. Un roman foisonnant, joyeusement politiquement incorrect porté par un style plein de verve et de poésie. La poésie de la zone, la poésie manouche, s'y mêlent brillamment à la poésie des anciens, la poésie antique. Alain Guyard écrit avec fougue, avec jubilation et nous emporte dans son souffle. Un roman qui ne peut pas laisser indifférent.
"Nous croyons saisir la terre ferme mais de l'eau s'échappe de notre poing serré. Toute forme transitoire. Toute possession est illusoire. Tout circule dans l'univers, mais il est des hommes, et ce sont les plus malheureux, qui veulent arrêter le flux du monde. Ce sont eux qui décrètent que le monde est à eux, que les choses leur appartiennent.
-Pourquoi ils font ça? demanda le Manouche.
-Sans doute parce qu'ils ont peur de mourir. Ils ont peur du flux qui les emporte. Alors ils font tout pour le freiner en voulant posséder les choses à jamais."
Belle sensation de la rentrée que ce roman d'Alain Guyard immatriculé au Dilettante, éditeur qui n'a plus à prouver son goût pour les âmes fortes et les têtes dures. La zonzon c'est la prison, ce lieu que ne fréquentent guère les écrivains même lorsqu'ils sont coupables d'atroces plagiats ou d'immondes bouquins. Le héros de ce livre, professeur de philosophie, va s'y retrouver, dans l'inconfortable position d'enseignant, confronté d'un coup à la violence de fréquenter des gens souvent perdus qu'il laisse derrière lui après chaque cours, si on est tenté d'appeler «cours» les moments qu'il passe en leur compagnie à leur faire approcher les difficiles joies de la pensée. Mais si d'aucuns prendraient cela avec un recul qui les sauverait de la tentation de juger ces hommes égarés, notre homme, qui pratique une langue drue, tonique, d'une invention verbale très drôle, va plutôt se laisser séduire par ce nouveau milieu qu'il ne peut s'empêcher d'admirer sans céder à la fascination. Pris dans l'engrenage de petites combines sans interrompre sa maïeutique dont il ne sort pas toujours vainqueur (et ce sont là les meilleures scènes du livre, ces échanges sans affectation entre un homme protégé que tentent l'action et l'argent facile et des voyous qui sont pour certains allés au bout d'eux-mêmes), notre amateur de François Villon franchit la ligne noire au risque de sa peau, pas si dure que ça. On ne trahira pas dans ce bref billet l'intrigue qui se corse au fur et à mesure que notre bonhomme tombe amoureux d'une fatale prof de musique qui franchit elle aussi les barreaux, et se voit mêlé à des deals crapoteux et dangereux, on se contentera de dire que ce n'est pas le meilleur de ce livre qui vire un peu sur la fin en roman d'aventure avec complot, manipulation et le toutim de bibelots qui va avec (et devant lequel on sourit un peu : pensez, le dernier mot est : «Je t'aime»). Non, le charme de l'objet est cette redoutable langue, acérée, pointue, qui se joue des expressions, qui invente, parodie, qui se la joue canaille ou voyou, qui défrise la mythologie taularde sans trop céder au simplisme, sans nous la faire damné de la terre. La zonzon c'est du bo, du bon, du bonnet (car on picole pas mal) et ça réjouit des livres comme ça, ça ne sent pas son parisien in situ. Il vient de recevoir le Prix Georges Brassens, un bel hommage pour un tel manieur de langue.
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