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"La décision était prise, il y avait un protocole et tout ce protocole se résumait en un seul mot : débrancher. Débrancher votre père. Débrancher papa."
C'était important pour moi de commencer cette chronique par ces mots-là. Par la violence de ces mots-là.
Allez-y, lisez à voix haute.
Jusqu'à ce "Débrancher papa".
Qui saisit à la gorge. Et serre.
Le père de Gaspard est dans le coma.
Il le sera pendant 196 jours.
196 jours où Gaspard ne quittera pas son chevet.
La structure du livre est particulièrement intelligente.
Dans les premières pages, le recul de Gaspard. Cette protection qu'il se refuse dans la fuite, il se l'offre avec des souvenirs. Des souvenirs dégueulasses. D'un père qui boit trop, s'absente, de son visage qui se ferme, s'ennuie, se lasse. Un père parti pour l'île de la Réunion, remarié, divorcé encore, à nouveau papa. Un père presque inconnu, ce sont les premières images que nous offre ce fils.
Puis, au fil des pages, le coeur s'attendrit, les souvenirs aussi. On se rappelle de grands éclats de rires, de parties de tennis endiablées, de papa qui amuse, voudrait bien faire mais ne sait pas. le confesse dans un cahier à la hâte, par pudeur, par habitude des silences.
Et comme c'est touchant, ces mots qu'on ne s'est jamais dit mais qu'on sait tous.
Voilà comment Gaspard rencontre son père et pardonne.
Friands de pathos, de voyeurisme médical, passez votre chemin. Voici un roman touchant, humain, qui n'a la prétention de rien.
Avec Gaspard, dans cette chambre à l'étage 3, ce sont nos souvenirs qui reviennent. Nos pardons. du bout des lèvres, mais nos pardons quand même.
Merci, Monsieur Girard, pour la beauté et la justesse de vos mots. Merci pour les larmes. Elles nettoient toujours de quelque chose.
Merci @au_diable_vauvert_editions
197ème jour, chambre 310. Un fils au chevet de son père dans le coma.
Le narrateur est ce fils. Enfant du divorce, il est venu à La Réunion depuis Paris quand la femme de son père l’a prévenu.
Il pensait ne faire qu’un aller-retour mais les jours vont se transformer en mois. 197 jours.
Dans une langue très précise, très nue, Adrien Girard donne à son narrateur l’occasion de remonter le temps auprès de ce père, parfois fantasque, toujours absent.
Alors que cet homme est inconscient sur un lit d’hôpital, le dialogue semble enfin s’ouvrir entre eux, le lien se retisse petit à petit et le lecteur devient complice de leur apaisement.
C’est un texte très grave et en même temps teinté d’une douce mélancolie et d’ironie lucide. L’auteur n’est pas avare de tournures bien senties qui permettent à ce roman de ne jamais être fondamentalement triste, comme s’il tenait le malheur à distance. Les émotions se cachent derrière la dérision et la pudeur recouvre cette histoire pourtant chargée en thèmes lourds.
Adrien Girard, plus jeune lauréat du Prix Hemingway, nous offre avec ce premier roman un texte très sensible autour du deuil et d’une certaine façon du deuil de l’enfance.
Gaspard reçoit un appel téléphonique. Il doit se rendre au chevet de son père sur l’île de la Réunion. Il a fait un AVC et se trouve dans le coma. Direction Saint-Denis et son CHU. C’est Ana, l’ex-femme de son père qui l’accueille avec Léo son jeune demi-frère. Entre gêne et non-dits, une routine se met en place. Tous les jours, il se rend de 13h à 19h à l’hôpital et se tient aux côtés de son père. Tout cela se passe en période de covid et le confinement l’oblige à rester auprès de son père, plus longtemps qu’il ne l’aurait pensé ou voulu. Pas évidemment pour lui de savoir comment se comporter avec ce père qui a été absent une bonne partie de sa vie.
Incipit :
« La vie, ça va, ça vient. C’est bien connu, tout le monde le sait, tout le monde le dit, tout le monde le sent. »
Et puis il y a les appels surréalistes de sa grand-mère paternelle, Colette. Elle lui annonce au téléphone que son père est mort alors qu’il est dans le coma à côté de lui. Remontent alors à lui les souvenirs d’enfance avec ses grands-parents, notamment une scène très drôle avec des belles formules. J’ai trouvé ces passages intéressants, contrebalançant les autres plus tristes à l’hôpital.
« Derrière une crotte de gamin se cachaient les tonnes de merde familiale. »
Il y a aussi le personnel médical avec son vocabulaire particulier, évitant de prononcer certains mots, s’acharnant sur son père pour le maintenir en vie. Il attend avec pudeur que son père meurt. Il passera 197 jours à le veiller.
« Après-midi n°184
Dimanche, jour du Seigneur, la semaine vient de se terminer et les Paternosters continuent de tourner. Une autre viendra, le lundi bactérie, le mardi en intraveineuse, le mercredi souvenir d’enfance, le jeudi amnésie, le vendredi à ne plus tenir, le samedi à tout ressasser et le dimanche à se demander s’il ne vaudrait pas mieux se mettre à prier. Et toutes les semaines comme cela, dans l’ordre ou le désordre, avec des annonces de morts et des pronostics déjoués, des microns de bonnes nouvelles et des piqûres de rechute. Il me faut maintenant y aller, il est tard, l’équipe du soir est arrivée, les visites sont terminées. Je n’ai pas envie de partir, de le quitter, il sera certainement là demain, au même endroit, mais avec lui, on ne sait jamais. »
Le titre du roman est issu du nom de l’entreprise d’ascenseur qui régule les montées et descentes des visiteurs. Un vigile est dédié pour appuyer sur les boutons de commande, une seule personne à la fois est autorisée à utiliser l’ascenseur.
Gaspard trouve un cahier bleu dans les affaires de son père dans lequel il est surpris de trouver un poème. A la fin du roman, il écrira une lettre sincère et touchante à son père. Il se confessera.
« Alors voilà, sans le dire, sans le vouloir, j’ai mollement pensé qu’il serait plus simple que tu meures, pour ne pas être déçu par nous deux, pour nous sortir de là. Et j’ai réussi, regarde, on a maintenant une vraie excuse pour ne pas avoir la conversation du siècle. »
Un premier roman inégal sur un sujet douloureux, mais prometteur, qui me donne indéniablement envie de retrouver cette plume. J’aimerais désormais beaucoup lire la nouvelle pour laquelle il a eu le Prix Hemingway en 2016, « Uriel, berger sans lune ».
Merci à Babelio et Au Diable Vauvert pour cette lecture
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