"Elle craignait l’oubli, elle a connu l’indifférence et l’incompréhension" : fascinante figure que celle de Charlotte Delbo, femme rescapée des camps, qui offre à Valentine Goby l’occasion d’un flamboyant manifeste pour la littérature.
Dans Je me promets d’éclatantes revanches (L’Iconoclaste), Valentine Goby repart sur les traces de la déportation à travers les écrits de Charlotte Delbo*, assistante de Jouvet avant-guerre, membre d’un mouvement intellectuel clandestin du PCF raflée en mars 42. Elle y cerne l’indicible sous l’horreur, ouvre les plis où se calfeutre l’humanité à bout de souffle, à la poursuite du vivant et des origines de l’écriture.
Ils sont quelques-uns à avoir écrit après les camps, longtemps après parfois. Ecriture de l’enfermement, d’une tragédie indépassable. Charlotte Delbo avait promis à ses camarades de camp de témoigner pour elles, d’écrire, « après ». Elle est sans doute le seul auteur survivant à avoir postulé qu’il est possible de se libérer d’Auschwitz, par la grâce de l’écriture. Une écriture qui oscille sans cesse entre mémoire et oubli, remarque Valentine Goby qui pénètre avec générosité dans l’œuvre rare et sûre de l’écrivaine. Pour elle, l’écriture de Delbo n’est pas un témoignage, mais « livre principalement une expérience physique brute, dépourvue de décryptage. C’est une plongée directe dans le froid, la boue, les rituels absurdes qui malmènent le corps, et dont l’effroi nait justement de l’absence d’interprétation ».
Avec Je me promets d’éclatantes revanches, Valentine Goby jette un pont avec son terrible roman, Kinderzimmer (Actes Sud, 2013), qui raconte les pouponnières de Ravensbrück, dans le projet d’atteindre, de retrouver la sensation de l’instant absolu dans l’écriture. Au centre du travail de ces deux exceptionnelles auteures, le corps et la façon dont la littérature s’en empare, manie la chair, les odeurs, sa souffrance, son frisson, ses couleurs et s’abstrait des limites du témoignage.
C‘est en s’interrogeant sur l’étonnante discrétion de sa postérité, et à travers une enquête documentée, que Valentine Goby en arrive à l’essentiel. Comment la littérature est-elle devenue le fondement d’une existence, qui plus est, sans que ne lui cèdent le formidable goût de vivre et la joie ? Je me promets d’éclatantes revanches de Valentine Goby embrasse avec délicatesse et l’admiration d’un pair, la vie d’un écrivain qui a dépassé sa propre survie. Il est aussi une réflexion qui creuse sans bavardage la question de l’écriture, approchant toujours plus près des moteurs de la création littéraire. Une expérience de lecture passionnante, avant tout profondément humaine, où le lecteur lui aussi s’interrogera, pour découvrir à son tour la place merveilleuse qui est la sienne dans une œuvre littéraire.
des femmes, des camps et l'écriture Je crois que c'est Valentine Goby, lors d'une rencontre à propos de Kinderzimmer, qui nous a sommé de découvrir Charlotte Delbo; depuis il y a eu un prix essai Femina, et un livre de Geneviève Brisach qui ne fait qu'évoquer Charlotte.
Je vais proposer un thème pour le Café littéraire de Lambersart (élu ou non lors de l'AG de janvier) S Veil, C.Delbo, G Tillion; des camps, des femmes et l'écriture...
Il faut que je découvre cette auteure
Ouvrage passionnant. Et dire qu'il n'y a toujours pas d'éditions en poche des oeuvres de Charlotte Delbo permettant aux scolaires de la découvrir (Valentine Goby a raison d'ailleurs de l'évoquer dans son livre).
C'est un roman très intéressant et émouvant. J'ai découvert encore plus la vie de Charlotte Delbo grâce à ce livre qui est plus un récit/documentaire sur la vie de cette grande dame.