#RL2017 Je me promets d’éclatantes revanches (L’Iconoclaste)
On a beaucoup médit du XIXe siècle, mais le nôtre n'est guère plus fréquentable. La vie humaine n'y vaut pas grand-chose. Et comme notre époque est celle de l'image, on nous aura montré des cortèges interminables de gens offensés, persécutés, avilis... Cela n'émeut plus, ni même n'étonne la majorité de nos contemporains. Ils se sont accoutumés au malheur des autres, avec une singulière facilité.
Et pourtant, lorsqu'un corps est écrasé, lorsqu'un visage est mutilé, chacun devrait savoir que c'est son propre corps et son propre visage que l'on outrage. Ceux qui réagissent en face de la barbarie ne sont pas gouvernés par quelque altruisme, mais par un profond égotisme. Car ils trouvent un reflet d'eux-mêmes ou de leurs proches dans les figures des victimes, ils s'y reconnaissent comme dans les images d'un mauvais rêve.
Qu'il le sache ou non, tout homme ressent cela dans son intimité la plus nocturne. La détresse d'un regard humilié désespère ses pensées les plus secrètes. Mais la majorité silencieuse veut ignorer ce désespoir qui atteint sa croyance dans la vie. Il n'empêche que tous les hommes sont de mauvais dormeurs. Ces " rêveurs définitifs ", comme disait André Breton, sont agités, durant leur sommeil, par les remords que nous inflige l'époque.
Charlotte Delbo tolérait d'autant moins les horreurs de notre siècle qu'elle avait subi l'atrocité d'Auschwitz. Il lui fallait témoigner, laisser la mémoire de la pire détresse, et de toutes celles que d'autres gens connaissaient dans d'autres lieux.
#RL2017 Je me promets d’éclatantes revanches (L’Iconoclaste)
Dépeignant l’extrême misère avec une extrême douceur, une extrême tendresse, elle a su traduire ce que La Rochefoucauld appelait « le mystère des corps », et nous faire sentir profondément le monstrueux attentat que commettent les bourreaux lorsqu’ils offensent ce mystère. C’est la raison pour laquelle les textes de Charlotte se lisent comme un étrange poème d’amour. (François Bort, préface)
Une suite de textes brefs, prose ou poèmes, qui disent tous la réalité de ce qui a été vécu.
Ce petit livre (124 p) se lit rapidement, mais je doute qu’il puisse s’oublier vite.
De même qu'est inoubliable cette supplique de Charlotte Delbo : « Je vous en supplie, faites quelque chose, apprenez un pas, une danse, quelque chose qui vous justifie, qui vous donne le droit d’être habillés de votre peau et de votre poil. Apprenez à marcher et à rire, parce que ce serait trop bête à la fin que tant soient morts et que vous viviez sans rien faire de votre vie. »
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