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Jacques Serena, c´est plus qu´une voix, et c´est peut-être cela qui dérange le plus : un territoire fait irruption dans la littérature.
Celui des fonds de ville, des piaules en étage. Chômage et boulots précaires, hébergements de hasard, et l´intensité de la relation quand on sait, avant même qu´elle se tisse, qu´elle sera forcément provisoire et instable.
La démarche de Serena, ce n´est pas faire exister littérairement un monde qui, sinon, n´apparaîtrait pas dans la mémoire écrite. Cela, ce n´est pas la tâche de la littérature.
C´est de rester dans les fondamentaux du récit, produire du temps, organiser (au sens étymologique) la parole. La représentation de l´espace, les masques et les corps qui surgissent, dépendent d´abord de cette relation qui se tisse, qui mêle du temps et de la parole.
Alors, oui, peut fasciner cette fragilité dite, et la noirceur où cela vous embarque. C´est ce temps sans bords ni frontières, dans l´espace fermé d´une nuit, d´une chambre de hasard, qui conditionne que la parole soit autre, et révèle, sous notre parole commune, le territoire étranger qui nous réouvre au monde.
Alors se conçoit la pauvreté des éléments que prend et reprend Jacques Séréna, comme, un peu plus loin que Toulon, de l´autre côté de la frontière italienne, que lui - de son vrai nom Gervasio - connaît aussi bien, le déployaient quelques grands artistes comme Mario Merz : arte povera. Art de l´extrême, où la contrainte joue aussi sur les éléments. Jamais vu que dans Serena la bouche, lieu du corps par où s´énonce la parole, ce monologue infini dont il nous confie aujourd´hui une fraction, la bouche donc se nourrisse d´autre chose que de thon et nouilles mal cuites. Tout ici est signe, parce qu´ailleurs est le déploiement essentiel.
Et radicale aussi l´interrogation sur la forme, sur ce fractionnement : il n´est plus l´heure de héros de légende, via romans à fin heureuse, quand même chaque rentrée littéraire nous servirait jusqu´à plus soif son lot de bluettes périssables.
Les personnages (la great lady de Plus rien dire sans toi) deviennent allégorie de la littérature elle-même, ou sa parfaite inutilité de rôle dans la précarité terrible que réserve la ville à ses plus fragiles. Alors, dans ce déploiement, les lieux vides, les transitions et translations de bord de côte ou de long d´autoroute, ou de gare à gare, dans ce sud permanent, appellent encore parole, et masques qui la servent. Des masques doux comme James Ensor savait les faire.
Puis deux radicales nouveautés, ici sur publie.net : voici du récit, voici une histoire, voici un conte, une parole, qui va accaparer votre temps, va produire pour vous son temps de déploiement, et remplacer la réalité du monde. D´une part.
Et pour nous (merci à Fred Griot et Sarah Cillaire, merci à Jacques Serena qui y a participé), un saut en avant : inventer le lire écran qui donne ici vie à ce texte.
FB Nombreuses interventions de Jacques Serena sur Internet, voir bio-bibliographie sur site des éditions de Minuit, ici sur remue.net enregistré par moi-même à Dion (merci Robert Cantarella et Philippe Minyana), ou dès 2004, ou plus récemment lors de la nuit remue 2. Et lire aussi Elles en premier toujours chez les amis d´Inventaire/Invention, et aux éditions Argol.
Ci-dessous, un texte hommage écrit en 2005, pour un dossier des librairies Initiales, à propos de Lendemain de fête, écho du temps où Jacques Serena, après des études de Beaux-Arts, fabriquait et vendait des objets de cuir sur les marchés de la côte d´Azur (il a toujours le matériel, des fois que).
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