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Je rêve quelquefois qu'une femme entre.
Elle marche dans le petit bois, franchit le ruisseau. Je l'observe de loin. Elle ne peut pas me voir. J'attends que le gravier roule sous ses pas. Alors seulement je me montre, j'avance à sa rencontre. Elle répond par un sourire à mon salut. Nous marchons l'un à côté de l'autre, sa main se pose sur mon épaule, me pousse en avant. Alors tout s'obscurcit et disparaissent la maison, le parc et le mur. Mais nous marchons encore, moi, aveugle, guidé par sa main refermée sur mon épaule, une main froide et dure, ou amicale, je me le demande.
Et de nouveau s'acharneront sur elle le vent et la pluie. Les maisons ne sont pas faites pour durer toujours. Elles se lassent de nous voir vieillir et mourir. Elle attend, elle aussi, elle est prête à laisser se disperser ses tuiles, se briser ses fenêtres. Déjà je vois les arbres se pencher sur elle, je sens leurs racines gagner du terrain. Ils s'enrouleront autour d'elle, la tiendront fermement serrée entre leurs bras.
La fenêtre de la cuisine reste toujours entrouverte. La chatte entre et sort, elle est partout chez elle, mais le seul endroit où je l'ai vue dormir, sans crainte, profondément, c'est à l'intérieur de la tour. Quand elle se réveille, elle fait sa toilette, ensuite elle saute sur le rebord de la fenêtre. Elle reste là longtemps, les yeux fixés sur l'allée et la grille. Je m'approche lentement pour ne pas l'effrayer, je me tiens debout derrière elle, l'allée, la grille entre les branches nues ou les feuilles vertes comme ses yeux, rousses comme sa fourrure, les saisons passent, j'ignore ce qu'elle espère, rien sans doute, elle est capable de se contenter de chaque instant, j'avance encore, je me penche sur ses yeux grands ouverts, il arrive qu'elle se tourne vers moi, que nos regards se croisent, mais elle se dérobe, d'un bond souple elle s'échappe, fuit en quelques foulées silencieuses.
Je reste seul. Je sais qu'elle va revenir. Les branches se balancent, frôlent les vitres, distraitement, du bout des doigts. Quel est l'objet de mon désir? J'entends le rire de la rivière me répondre, les mains du pianiste se soulèvent, son buste s'incline, son visage s'éclaire, elles se posent sur les touches, leurs reflets dansent dans le bois du piano, les questions sont inutiles, la joie brûle les mots sur les lèvres.
Variations sur quelques thèmes, l'art, la solitude, la mort, les textes qui composent Une main sur votre épaule ont tous pour cadre le même lieu, la même maison. Les personnages de l'un se croisent dans un autre. Chacun contient en germe le suivant. Ni recueil de nouvelles ni roman, ou alors lacunaire, ce livre se présente comme un puzzle à assembler de différentes manières, les pièces manquantes étant offertes à l'imagination du lecteur.
Une fois de plus, Sylviane Chatelain frappe par la haute exigence - alliée à une sensibilité poétique rare - de son écriture, qui fait que son audience ne cesse de s'amplifier au fil des parutions.
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