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Un soir de tempête et de ténèbres, entre terre et mer, une frêle silhouette chavire contre le vent. Bonnet canari, bottes vertes, Englo, un petit garçon venu d'on ne sait où et envoyé là par sa mère, vient toquer à une porte. Un feu de bûches ; un bol de soupe ; on l'attendait...
Cette famille sera la sienne, des gitans sédentarisés, un peu funambules, un peu magiciens - danseuses et ferrailleurs, cartomanciennes et guérisseurs. Peu à peu, malgré la violence, malgré l'abandon, Englo se fait à cette tribu. Mais sa place est-elle vraiment parmi eux ?
Diane Peylin me séduit toujours par sa plume délicate et poétique. C’est le troisième roman que je lis de cette auteure et c’est encore un véritable plaisir, de chavirer entre ses mots, de me laisser emporter dans ses contrées oniriques.
Comme l’écrit Boris Vian, Un jour Il y aura autre chose que le jour, et Diane Peylin nous plonge dans ce bain de poème dès l’épigraphe. Un jour, la nuit ouvrira la porte d’une nouvelle journée dans laquelle les choses seront différentes, auront changé. Et c’est quand un petit garçon se présente à la porte de la bâtisse taillée dans le calcaire d’une famille tsigane sédentarisée et, il faut le dire, loufoque, que leur vie va pour toujours changer.
« Sur la route grignotée par les poules, l’enfant se laissait chahuter par le vent. Les rafales le balançaient de droite à gauche, de haut en bas, sans se soucier de ses jambes maladroites. Pataugeant dans la boue, le petit homme et ses bottes de géant fixaient leurs empreintes dans le sol mouvant. Il avait six ans mais ses chaussures étaient immenses. Des bottes de sept lieues pour aller de l’autre côté du monde. »
Le ton est donné, le décor est planté. Maintenant, il faudra savoir se laisser exalter par le récit d’une auteure à l’imagination fertile sous peine de passer à côté de ce roman qui parle de l’absence, de l’acceptation, de la douleur, de la résilience, toujours en délicatesse et sensibilité.
La façon de raconter les épreuves et les troubles familiaux n’est jamais commune avec Diane Peylin et c’est en cela que j’apprécie chacun de ses romans. Elle peut dérouter, indéniablement, mais on peut tomber amoureux, furieusement. Il suffit de garder l’esprit ouvert et de croire en ses mots. Elle mène la barque et elle arrive toujours à me bercer de ses contes. Car oui, Un jour, il y aura autre chose que le jour, ressemble à s’y méprendre à un conte.
Un jour, un garçon de six ans ouvrit la porte d’une famille dont chaque membre avait une particularité physique, artistique, dans les gestes, dans l’esprit. Ce jour, il fut baptisé Englo, l’ange, et aucun autre prénom ne pouvait lui aller mieux, mise à part son véritable prénom que lui-même avait oublié, autant qu’il avait oublié celle qui fut sa mère. Peu à peu, il les découvrit, chacun leur tour, il s’intégra dans ce foyer déluré, il fut de moins en moins transparent, il les bouleversa, ils l’acceptèrent et finirent par l’aimer sans jamais vouloir qu’il les quittât désormais. Du moins, c’est ce qu’ils croyaient, parce que celui que l’on nomma Englo avait une mission qu’ils finirent par découvrir, pour le bien de tous.
Le mystère qui plane tout au long du roman s’éclaircit sur un dénouement insoupçonnable autant qu’émouvant. La lutte intérieure de chacun des membres s’apaise, et la paix finit par les envahir tous, y compris Englo. Bien sûr, je n’en dirai pas davantage, mais la fin est belle, et tendre, et révélatrice. Un thème finalement universel qui peut faire écho en chacun de nous.
« Dans sa chambre, tout seul, ses battements cardiaques avaient cessé. Comme anesthésiés par cette solitude froide. Mais là, près d’eux, serré, son sang se mettait à nouveau à circuler. Les pulsations revenaient, entraînées par le métronome de l’amour. Il y avait du rythme ici. Dans ces mains liées. Dans ce groupe. Qui ne trouvait l’harmonie qu’une fois tous les membres réunis. Si un manquait à l’appel, la musique commençait à dérailler. Pour n’être plus qu’une rhapsodie délirante lorsque chacun errait de son côté. »
Vous l’aurez compris, ce roman poétique et ésotérique m’a séduit même s’il peut sembler divaguer parfois dans les limbes de la loufoquerie et de l’onirisme. Mais s’il on se laisse porter par l’auteure et s’il on sait d’avance que ce ne sera pas un récit ordinaire, alors on passe un très bon moment d’évasion. Surtout que l’écriture est très belle, autant que le message qu’elle veut faire passer et qu’elle porte merveilleusement bien.
Je lirai de nouveau ce roman, maintenant que je sais, maintenant que j’ai toutes les cartes en main pour me laisser m’émouvoir du sort – et du passé – d’Englo et de cette famille toute entière.
« – Je sais, dit-il. Je sais tout. Maintenant, je vais mieux. Je me sens tout bizarre mais je vais mieux. (…) »
Ma chronique sur mon blog : https://ducalmelucette.wordpress.com/2018/09/25/lecture-un-jour-il-y-aura-autre-chose-que-le-jour-de-diane-peylin/
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