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Le pays dogon (Mali), très connu des touristes du monde entier pour ses traditions, l'est beaucoup moins pour sa vie économique et sociale.
Isaïe Dougnon comble cette lacune dans cet ouvrage d'anthropologie historique sur la migration des paysans dogon vers le Ghana (la Gold Coast au temps de la colonisation britannique), et vers l'Office du Niger (un gigantesque projet hydro-agricole mis en place par la colonisation française à partir des années 1930). Le peuple dogon, au coeur de ce travail, est principalement celui de la diaspora, c'est-à-dire les hommes et les femmes partis s'installer sur ces deux lieux d'émigration.
Dans les interviews menées auprès d'eux, ils ne dissertent pas sur la cosmogonie, encore moins sur la beauté des masques ou les mystères de la falaise de Bandiagara. Ils nous parlent de leurs expériences sociales, des types de travail qu'ils ont appris, des itinéraires de leurs migrations, de leur découverte des cités coloniales, de l'émancipation des femmes. Ils insistent sur leurs rapports avec ceux qui les encadraient, commis noirs et chefs blancs.
Une distinction apparaît rapidement, dans leur langage, entre " le travail de Blanc " et " le travail de Noir ", le premier renvoyant à l'activité sur les machines, dans les garages, sous la direction des colons blancs, avec une paye mensuelle, le second désignant des tâches agricoles (maraîchage, riziculture) essentiellement menées en milieu paysan africain. Bien que l'opposition " travail de Blanc, travail de Noir " renvoie initialement à une question de peau et à la situation coloniale, elle est analysée par l'auteur d'une manière nuancée qui transcende ce cadre.
" Travail de Blanc " ne signifie pas " travail forcé " comme certains lecteurs pourraient s'y attendre, mais désigne une situation complexe vue plutôt sous son aspect novateur : un travail respectable et un statut de salarié, qui prévoit qualification et promotion et introduit à une technologie moderne. A l'Office du Niger, les " colons " africains, qui représentaient " le travail de Noir " et qui étaient jugés négativement (" ils grattent la terre ") ont pris aussi leur revanche.
Progressivement, en particulier dans la période post-coloniale, la terre a été revalorisée pour le bonheur de ceux qui ont pu y avoir accès. Cet ouvrage offre une lecture dynamique des changements sociaux assumés par les Africains eux-mèmes au XXe siècle, tant sous la période coloniale qu'après la décolonisation.
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