S'il est un genre qui s'attache à croquer nos travers et à nous dispenser quelques bons conseils, c'est celui de la fable. Classique de la poésie, celle-ci est néanmoins devenue trop académique, et sans doute méritait-elle d'être dépoussiérée. Tâche à laquelle se sont attelés P. Legras et F. Bontemps dans ce recueil illustré qui manie avec une joie non feinte cynisme, noirceur et cruauté... Au programme donc de cette oeuvre : la revanche du renard sur le corbeau, de faux bienfaiteurs, des chasseurs victimes d'eux-mêmes, des étoiles de mer bien loin de briller au firmament, une vieille dame bien décidée à corriger son chat... les auteurs composant autour d'eux des textes grinçants, mordants, savoureux, qui cultivent avec un art tout à fait acéré une vision tragicomique de l'existence, de nos rêves et illusions...
Qui aurait cru que la cruauté, la laideur, la malhonnêteté puisse autant faire rire ? Ah vous ne saviez pas ? Alors, plongez-vous dans l’humour noir décalé de Bontemps et Legras sans plus tarder. Et si vous ne vous tordez pas de rire alors c’est que vous ne comprenez rien à leur clin d’œil à des fables de jadis, à leur humour sans tabou.
Tout commence par la couverture du recueil qui met en avant deux personnages assis comme aux veillées pour conter des histoires. Sans nul doute nos deux compères d’auteur, un brin souriant, un brin gentil ou un brin méchant. Les bulles qui sortent de leur bouche comme dans une bande dessinée, représentent probablement les histoires racontées où tout commence bien mais pas toujours avec une fin heureuse. Les deux personnages d’ailleurs s’opposent en contraste de couleur et au port d’un chapeau l’un parfait l’autre revisité (ratatiné). Cette couverture attire déjà le lecteur et apporte d’entrée la matière et le ton du recueil. Elle est parfaitement bien conçue.
Et si curiosité oblige, le lecteur souhaite découvrir les vrais auteurs, il lui suffit d’observer la quatrième de couverture où trônent d’eux, leur portrait photographique réel ainsi qu’une courte biographie à la suite du résumé évoquant l’univers du recueil.
Sur le graphisme du recueil, le noir et blanc a toute son importance autant que l’illustration de couverture et le titre nous amenant à des fables bien différentes des classiques apprises sur les bancs d’école, dans un humour bien particulier « trash ». Ici, le lecteur est titillé dans ses retranchements, on provoque sa corde sensible, on va jusqu’à le choquer. En résumé, on ne veut pas qu’il s’ennuie dans la lecture ni encore moins qu’il en oublie ce qu’il a lu. Non, il ne doit pas en ressortir indemne. Il doit régir ! Rira-t-il ? Hurlera-t-il ? Se choquera-t-il ? Sera-t-il dégoûté ? Les auteurs n’ont peur de rien. Félicitation, cher Bontemps et Legras, vous avez osé, on a réagit !! Osons le jeu de mots, on a passé du bon temps en votre compagnie, vous avez bien sali le beau classique de la Fable et entaché à l’encre indélébile nos vies de lecteurs. On ira peut-être voir si Jean s’est retourné dans sa tombe au Père-Lachaise mais on en est quasiment certain. Car après tout, tout a été chamboulé avec Trash fables et mièvreries. Le moche est encore plus moche, le loup repart la queue basse, le prince charmant n’existe pas… Mais nous, on s’est régalé de ses histoires savoureuses et si…. peu mirifiques !
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