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« Qu'est-il arrivé à Monsieur Charles, surnommé Popotame, que l'on retrouve un matin gisant dans un champ d'avoine du domaine familial, « tout un nuage de grolles attablées dans les entrailles » ? La voix de la vieille Marceline raconte, modelée dans son accent de la campagne poitevine, enregistrée par le narrateur le temps d'un été, alors qu'il n'est encore qu'un jeune homme. Elle relate l'histoire attachante de Charles du Puy du Pin de la Chambue, jeune peintre d'humeur un peu fantasque dans l'avant garde du XXe siècle, disparu dans de troubles circonstances. Sans rupture avec la prodigieuse langue poétique qui est la sienne, Lionel-Édouard Martin brosse, dans ce roman, les tableaux d'un monde rural révolu, tout en développant une réflexion sur la création artistique. »
Le livre commence ainsi « … Vous savez, les grolles, on appelle ça des grolles, nous autres, mais en bon français - parce c’est du patois grolle, pas du bon français, en bon français, les grolles, c’est ce qu’on appelle corbeaux, pies, tous ces oiseaux noirs - »
Le narrateur réécoute un enregistrement qu’il avait fait alors que, jeune homme, Il effectuait un stage dans le petit musée local de M***. Intrigué par un petit tableau, il en demande l’historique auprès du grainetier, autrement nommé, l’érudit local qui l’envoie vers Marceline Alamichèle dans son Ehpad. Elle fut la cuisinière des Du Puy du Pin de la Chambue.
Les Du Puy du Pin de la Chambue, famille paysanne enrichie a modifié son nom après la Révolution. De Puydupin, on a rajouté deux particules, plus le nom d’une parcelle leur appartenant. Bien sûr, comme tout sang rouge devenu bleu, un blason est arrivé, l’argent permet beaucoup de choses !
Dans cette famille Du Puy du Pin de la Chambue, le fils, Charles, dit Popotame pour sa silhouette généreuse détonne quelque peu. Pensez, le père hobereau féru de chasse, mangeaille, troussage de jupons ne comprend absolument pas ce fils toujours dans les jupes de sa mère.
Charles, genre hermaphrodite, asexué trop blanc, trop amorphe, trop ou pas assez, « le garçon flasque, là, sans désir. Pas même le "bouais" qui se redresse, s’il en a un » qui se cache du soleil sous un grand parapluie a des prédispositions à l’art. Monsieur Desmassoures, pardon Desmassoures, on ne s’embarrasse pas de monsieur dans ce milieu, lui tient lieu de professeur. Il s’avère que l’élève est doué. Tendance Le Douanier Rousseau dans un premier temps, plus tard, il trouve son propre style. Depuis peu, alors qu’il est mort, ses tableaux se vendent chers chez Drouot et autres vendeurs aux enchères.
C’est la Marceline qui raconte son Charles. Dame, elle l’aimait !« Je le voyais, moi, par mes yeux, c’était un regard de tendresse. Un regard de tendresse, ce sont des lunettes en couleur qu’on se pose sur le nez pour voir le monde comme il n’est pas : j’avais des lunettes roses quand je le regardais, moi, monsieur Charles, des lunettes roses, oui, tout garçon qu’il était, parce que le bleu lui allait mal, que le bleu va mal à ces gros garçons qui, torse nu, jambes nues, vous affichent une belle panne de porcelet ... ». Ce n’est pas à lui qu’elle aurait dû faire la déclaration faite à son père qui voulait la trousser : "Rangez-moi ça, monsieur le baron, ou je vous le coupe". Ses relations avec les jumeaux voisins empirent lorsqu’ils exploitent la carrière et que tout l’alentour est recouvert d’une poussière blanche, que l’eau de la rivière est blanche, que l’étang est blanc… Tout ce blanc qui défigure SON paysage.
Est-ce pour cela que l’on retrouve mort, avec les grolles sur le ventre ? On ne connaît pas la et le baron fait vite fermée l’enquête… Pas de vagues.
Marceline dans un patois avec des tournures élaborées raconte, à travers son Monsieur Charles, la période de la première guerre mondiale dont il est question en filigrane, mais qui ne perturbe par la vie châtelaine. Quant au narrateur, quelle voix chantournée, quel vocabulaire et tout cela, sans que cela soit pesant, non, l’ironie, le sourire, l’ironie sont là en filigrane, prêts à fuser.
J’apprécie chez Lionel-Edouard Martin son écriture qui va du terroir au langage châtié, presque savant, cela fuse du ventre et de la tête. A chaque page la poésie est présente, évanescente ou rabelaisienne avec rythme et amour de la langue
Lire ses livres est un vrai dépaysement linguistique, un réel plaisir. Je découvre également une nouvelle maison d'édition
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