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Cet ouvrage, coédité par Actes Sud et l'association Pour que l'Esprit vive, réunit d'une part les dessins de prison de l'artiste syrien Najah Albukaï, exposés à partir de mars 2021 dans la galerie Fait & Cause, et, de l'autre, en résonance avec l'émotion suscitée par ces dessins, les textes d'une vingtaine d'écrivains (Alaa el Aswany, Laurent Gaudé, Nancy Huston, Daniel Pennac...) exprimant leur solidarité face à ce que Farouk Mardam Bey appelle la "syrianisation du monde", symbole des drames qui se multiplient aux quatre coins de la planète. Car la Syrie est progressivement devenue la métaphore de toutes les dérives, de tous les désastres humanitaires et écologiques, de la Chine à la Russie et de l'Amérique du Sud au Moyen Orient, en passant, aujourd'hui, par Beyrouth.
Najah Albukai est un artiste syrien né en 1970. Etudiant aux Beaux-Arts à Damas, il est venu étudier les arts plastiques pendant trois ans en France, au début des années 90, avant de rentrer en Syrie en 1995. En 2011, au moment des printemps arabes et de la révolution syrienne, il s’engage à fond dans le mouvement et sera emprisonné à plusieurs reprises entre 2012 et 2015 dans les sinistres geôles de Bachar al-Assad. Il est aujourd’hui réfugié en France, et ses dessins de prison ont fait l’objet d’une exposition en mars 2021.
“Tous témoins” est un ouvrage à double entrée, qui d’une part reproduit ces dessins, et d’autre part réunit les textes d’une vingtaine d’auteurs, en écho, en résonance, en réaction à ceux-ci.
Les dessins font froid dans le dos, ils vous glacent la moelle épinière. En noir, gris et blanc, ils m’ont fait penser à ces photos prises à la libération des camps de concentration. Des corps d’hommes, décharnés, torturés, déformés, désarticulés, à peine vêtus, encore vivants mais presque morts, qui montrent sans l’ombre d’un doute la douleur, la peur, la souffrance, la torture, la crasse, l’agonie, la mort, la violence, la terreur, en un mot l’horreur indicible des prisons syriennes. Et leur inhumanité.
Les textes ont été inspirés par ces dessins. De l’indignation à la rage en passant par la tristesse et le désespoir, certains poétiques, d’autres factuels, ils parlent de la Syrie coincée entre un chef d’Etat tyrannique et les terroristes de Daech, les deux murs mortifères qui peu à peu se rapprochent pour écraser la population civile. Ils parlent aussi du silence, tout aussi criminel, honteux et cynique des gouvernements occidentaux, aux prises avec des enjeux géostratégiques tellement plus importants que quelques vies humaines, abandonnées de fait à un sort terrible. Après tout, Bachar al-Assad est l’ennemi de son peuple, pas de la France, dixit Emmanuel Macron.
D’autres textes évoquent de manière plus générale les printemps arabes ou la condition des femmes, au Proche Orient et ailleurs, certains auteurs parlent de leur propre exil ou de leurs liens avec la Syrie.
Il est aussi fait référence à la “syrianisation du monde”, la Syrie devenant le symbole des drames humanitaires ou écologiques qui se jouent ailleurs sur la planète, dans l’indifférence quasi-générale. C’est sans doute dans ce cadre que sont abordés l’Amazonie, le Nicaragua ou la condition carcérale en France. Cela m’a néanmoins semblé incongru, voire artificiel, d’avoir publié ces textes dans cet ouvrage, leurs auteurs n’y mentionnant même pas la Syrie, et même s’il y est question de démocratie et d’humanité.
Un autre bémol : dommage de ne pas avoir présenté chaque auteur en quelques lignes: si quelques-uns m’étaient connus, je voyais d’autres noms pour la première fois.
Les dessins de Najah Albukai témoignent de ce qu’il a vécu dans les prisons syriennes.
Ceux qui ont vu ces dessins sont désormais “tous témoins”, même indirects, du drame syrien.
Reste à trouver comment percer cette chape d’impuissance, et que faire de cette “insulte du silence” qui tue la population à petit feu. Parce que “ne rien dire, ne rien raconter, ne même pas savoir et laisser mourir ces vies loin de nous, les laisser mourir au récit serait pire“. C’est pour cela que Laurent Gaudé, notamment, écrit : “Pour plonger mes mains dans le silence et en extraire des vies qui allaient y être avalées, puis les habiller de mots, avec force et colère“.
Dix ans après le début de la guerre, “Tous témoins” est un ouvrage malheureusement, encore et toujours, nécessaire.
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