"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
On se rappelle l'éloge funèbre du personnage du Général, dans Les Mariés de la tour Eiffel : «Dès vos premières armes, vous avez fait preuve d'une intelligence très au-dessus de votre grade». On pourrait en dire autant de Cocteau, qui dès ses débuts d'auteur dramatique n'a raté ni Diaghilev, ni Picasso, ni Satie, et qui ne ratera ni le groupe des Six, ni Stravinski, ni les Pitoëff, ni Édith Piaf... - pour être complet il faudrait aligner des dizaines de noms, et parcourir près de cinq décennies : comme le Général des Mariés, Cocteau ne s'est «jamais rendu, même à l'évidence» ; jusqu'à la fin de sa vie, il a mis dans son oeuvre dramatique (sa «poésie de théâtre») tout le sérieux que les enfants mettent à leurs jeux. Il fut intensément de son époque, c'est peu contestable, mais il serait injuste de ne définir ce «fils de l'air» (titre de son dernier argument chorégraphique) que par sa sensibilité à l'air du temps. La mode ne l'intéressait que pour autant qu'il pouvait la détourner, voire la devancer - d'où le scandale de Parade, par exemple, ou cette teinture d'irrespect qui colore ses textes apparemment les plus classiques. Entre «difficulté d'être» et passion de vivre, le théâtre de Cocteau cherche une vérité indépendante de la réalité, libérée du temps historique. En le rassemblant en un volume, on ne dresse donc pas le portrait-souvenir d'une époque : on ressuscite des mondes.
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