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«En août 1914, Tikhonov avait dix-huit ans. Il est de cette génération d'écrivains - Brecht, Aragon, Hemingway, et bien d'autres - dont l'enfance débouche sur la guerre. Il est né à Pétersbourg, dans une famille de petits artisans : son père était barbier, sa mère couturière. Après l'école primaire, il fréquenta l'école de commerce et se retrouva scribe dans une administration. Il combattit dans les rangs de l'Armée rouge aussi longtemps que durèrent les combats, sur le front nord-ouest, contre Youdénitch, menant une vie qu'il devait bientôt décrire dans ses poèmes. C'est en 1921 que, démobilisé, il retourne à Leningrad. La Ballade des clous, la Ballade du paquet bleu, la Ballade du permissionnaire, d'autres oeuvres, publiées en 1922, dans deux recueils, La Horde et Hydromel, devaient assurer d'emblée la popularité de Tikhonov. En 1927, il publiait un volume de poésie qui s'appelait Les Recherches du héros, titre qui aurait parfaitement convenu à un recueil de nouvelles, paru la même année : Tête brûlée. Ces huit nouvelles (ce sont en fait un bref roman et sept nouvelles) sont des variations sur le thème du héros. Qu'il s'agisse d'Afrikov, l'amnésique de Tête brûlée, téméraire dans son inconscience, ou du «contre-révolutionnaire et aventurier» Enver Pacha dans Le Calife, des trois compagnons de Camouflage, le savant Khatchadour, l'ingénieur Térentiev et le dilettante Sourkhaïan, ou, dans Nouvelle suivie d'une note, du petit employé de banque Kroutikov, chaque fois Tikhonov suscite l'épreuve pour observer la vaillance telle qu'elle «se montre sous un jour nouveau». Védionikov, «le colonel Turquoise», mérite une mention spéciale. Ce visionnaire, sorte de Don Quichotte du socialisme, a le tort, ou la force, de prendre l'avenir à la lettre ; hier, il prêtait à sourire, aujourd'hui on est bien obligé de l'écouter ; demain, l'histoire aura rejoint son rêve. Plus de trente ans se sont écoulés depuis la publication de Tête brûlée, qui ont permis à Tikhonov de découvrir l'Orient après l'avoir décrit, le Caucase, les Républiques soviétiques d'Asie centrale d'abord, puis l'Afghanistan, le Pakistan, l'Inde. La plupart de ses livres : romans et nouvelles, poésies, récits de voyage, se situent entre la Caspienne et le Golfe du Bengale. Il faut l'approche de la guerre mondiale pour que celui-ci délaisse son sujet favori. En 1935, il visite l'Europe occidentale et ramène de son voyage un volume de vers, l'Ombre de l'ami où il est beaucoup question de Paris. Bientôt la guerre va commencer, et pendant cinq ans Tikhonov n'aura pas d'autre sujet ni d'autre angoisse.» Vladimir Pozner.
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