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La préface est un art aussi délicat que subtil, qui laisse au préfacier une grande liberté tant de ton que de fond. Sans doute son objet premier est-il de présenter l'ouvrage qu'elle a pour but d'introduire, mais très souvent cet objectif devient prétexte à un libre propos doctrinal de la part de celui qui la rédige. Pour éviter cet écueil, je m'en tiendrai donc à une conception classique. Aussi bien, à cet effet, je me bornerai à présenter à la fois l'auteur de l'ouvrage et le travail qu'il a effectué.
Alexandre Maitrot de la Motte m'a sollicité pour diriger sa thèse, animé par un dynamisme, une impétuosité, voire une fougue inhérents à sa jeunesse. Travailleur obstiné et infatigable, doté d'une grande puissance de travail, il a réalisé et soutenu sa thèse dans le bref délai de trois ans. Ce point est suffisamment rare pour mériter d'être souligné, ce d'autant plus que le sujet traité était, et reste encore, un sujet délicat.
Le thème dessiné en commun avec Alexandre - je me permets de l'appeler ainsi, compte tenu des liens d'amitié qui se sont noués au fil du temps, au cours de la confection et de la direction de la thèse - portait initialement sur « les impôts directs et le droit communautaire ». Puis le sujet a pris du corps, à la manière d'un bon vin, pour prendre son titre définitif « Souveraineté fiscale et construction communautaire : recherche sur les impôts directs ».
La problématique de la thèse peut être ainsi présentée : s'il existe bien une Europe fiscale en matière d'impôts indirects, comme le montre la TVA, tel est loin d'être le cas dans le domaine des impôts directs. En effet, « la fiscalité directe relève de la compétence des États membres », ainsi que l'a relevé la Cour de Justice des Communautés européennes dans son arrêt de principe de 1995, l'arrêt Schumacker. Mais comme ladite Cour l'a aussitôt rajouté et précisé, « il n'en reste pas moins que (les États membres) doivent exercer (cette compétence) dans le respect du droit communautaire ». À partir de cette analyse, la Cour va développer des éléments dits d'« intégration négative », en ce sens qu'ils vont interdire aux systèmes fiscaux des États membres toutes discriminations, toutes entraves à la liberté de circulation et toutes aides d'État.
Le Traité CE prévoit certes des possibilités d'« intégration positive », qui permettent au législateur communautaire de légiférer en matière d'impôts directs, que ce soit sous la forme de directives ou de conventions fiscales multilatérales. Toutefois, cette intégration positive non seulement est limitée (directive fusion...), mais risque de l'être de plus en plus, en raison de la règle de l'unanimité qui s'applique en la matière.
À partir de ces éléments de réflexion, Alexandre a effectué un travail très approfondi d'analyse tant de la jurisprudence que des textes communautaires, conduisant à une synthèse de son champ d'étude que l'on peut qualifier d'exhaustive.
Mais au-delà de la synthèse, Alexandre a eu le mérite de développer une véritable thèse. Le passage d'un ordre fiscal commun, dans le domaine des impôts directs, vers un ordre fiscal communautaire est loin d'être acquis. En effet, les États membres ayant refusé de renoncer à l'exercice exclusif de leur souveraineté fiscale, en clair de la partager avec les institutions de l'Union européenne, le rapprochement ou, si l'on préfère, l'harmonisation, envisageable et envisagé à l'article 94 du Traité CE apparaît de plus en plus aléatoire, au point de se voir remplacé par des mécanismes de coopération, ainsi que le préconise la Commission. Pour sortir de cette impasse, l'auteur propose plusieurs solutions, tout en affichant sa préférence pour le recours à des conventions fiscales internationales plutôt qu'à des directives.
La solution proposée est d'ailleurs conforme au penchant naturel de l'auteur, qui le portait vers une approche davantage marquée par le droit international public que par le droit communautaire. Cette approche originale et singulière, au demeurant parfaitement justifiée, mais si déconcertante qu'elle ne pouvait que susciter étonnement et critiques lors de la soutenance, témoigne en tant que de besoin de la réalité de la thèse, tout comme de sa richesse.
Le présent ouvrage est une version à peine retouchée de la thèse soutenue. Si Alexandre s'est borné à gommer les aspérités de certains des propos qu'il avait pu tenir, en revanche il a procédé à l'actualisation de son sujet, dont il convient de relever qu'il est en constante évolution. Je ne peux que lui savoir gré d'avoir effectué ce travail supplémentaire, qui confirme ô combien la ténacité et le dynamisme que j'ai précédemment évoqués.
En bref, la thèse d'Alexandre Maitrot de la Motte est importante à plusieurs titres. Tout d'abord, elle vient combler une véritable lacune dans son domaine. Ensuite, elle est appelée à devenir une réelle référence pour tous ceux qui s'intéressent aux impôts directs nationaux et à leur évolution dans le cadre de la construction communautaire. Enfin, elle révèle les authentiques qualités de juriste de son auteur, qualités qui laissent augurer du meilleur pour lui-même.
Mais, trêve de présentation et de digressions, sinon de bavardage, il ne me reste plus qu'à laisser au lecteur le plaisir d'apprécier la pertinence et la richesse d'un ouvrage aussi complet qu'agréable à lire.
Jacques BUISSON Professeur à l'Université René Descartes (Paris V)
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