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Pendant toute la guerre, les Britanniques ont procédé à des écoutes systématiques de milliers de prisonniers allemands - sous-mariniers, soldats de l'armée de l'air, la Luftwaffe, et de l'armée de terre -, gravé sur des disques de cire les passages de ces conversations qui leur paraissaient présenter un intérêt spécifique (stratégie, organisation de la chaîne de commandement, moral des troupes, etc.) et en ont réalisé des transcriptions. Tous les procès-verbaux ont survécu à la guerre. Rendus accessibles en 1996, personne, au cours des années suivantes, n'a compris l'importance de ces sources, qui ont continué à sommeiller sur les rayons des magasins sans que nul ne s'en soucie.
Dans un premier temps, le lecteur aura l'impression d'entendre parler les soldats, de les voir gesticuler et débattre, avec la rude franchise de la camaraderie lorsqu'ils racontent leurs combats, la mort donnée et la mort reçue. Très vite, cependant, il comprend l'importance inédite de cet ouvrage : jusque là, les historiens devaient utiliser des sources très problématiques pour étayer leurs recherches sur la perception de la violence et la propension à tuer (dossiers d'enquête, lettres de la poste aux armées, récits de témoins oculaires, Mémoires). Autan de propos, récits, descriptions rédigés en toute conscience pour un destinataire - un procureur, une épouse restée au domicile, ou bien un public auquel on aimerait communiquer sa propre vision des choses. En revanche, lorsque les soldats internés dans les camps parlaient les uns avec les autres, c'était sans intention particulière - jamais aucun d'entre eux n'aurait imaginé que ses récits et ses histoires pourraient devenir à quelque moment que ce soit une « source », et a fortiori être imprimées. Ici, des hommes parlent en temps réel de la guerre et de ce qu'ils en pensent - une source qui oblige à porter un regard tout à fait neuf et unique sur l'histoire de la mentalité de la Wehrmacht, et de l'armée en général - particulièrement sur la propension à la violence contre les civils, fruit d'une éducation étrangère à l'humanisme libéral et porteuse de valeurs cimentées par l'appartenance de l'individu à un collectif qui lui sera supérieur en tout.
La nazification fut alors un surplus idéologique, ce complément qui fit notamment basculer les soldats des crimes de guerre dans ceux contre l'humanité.
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