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En pleine Roumanie de Ceaucescu, deux jeunes adolescentes sont forcées par leurs parents à fuir leur pays et leur famille. La plus jeune soeur a intégré l'équipe junior roumaine de tir et elles sont exceptionnellement autorisées à se rendre en Suisse disputer un tournois international. Elles ne rentreront pas. L'intégration de chacune de ces deux femmes à leur nouvelle vie se fera de façon totalement divergente.
Ce roman se penche surtout sur la deuxième génération d'immigrés et sur la très délicate question du rapport à leurs familles et à leurs origines. Raluca Antonescu va tout mettre en oeuvre pour créer un sol, couche par couche, du calcaire à l'humus, à son personnage principal, Johan, fils de la tireuse d'élite, morte dans un accident.
C'est un roman familial de lecture aisée qui gagne en profondeur par le point de vue artistique et non littéraire de départ. Venant des Beaux-arts, Raluca Antonescu utilise souvent les matières comme point de départ d'une scène.
Elle excelle ensuite dans le rendu des descriptions et des dialogues. Ses personnages sont attachants, finement construits et évolutifs.
Année 1979/1980, Ion est attaqué par une abeille qui va rentrer dans sa narine, s’affoler, le piquer sans vergogne. Episode banal, mais qui va voir s’enchainer une multitude d’événements qui vont bouleverser à jamais la vie de sa famille. Car à partir de ce jour, Ion vocifère et lance des insultes à l’encontre du pouvoir, des communistes, du dictateur tout puissant. Comme si la piqure avait libéré cette parole qui se doit d’être tue. Mai dans la Roumanie de Ceausescu, la parole n’est pas libre et la peur étend son manteau de silence jusque dans le moindre village. Tous craignent les conséquences et surtout les pires des représailles, jusqu’au jour où les hommes du village tabassent le grand-père. Puis il est arrêté et enfermé. Sa fille, ses petites filles, Dina et Alina, et sa femme Ibolya, la grand-mère, mais aussi Viorel Cioban, le gendre, craignent alors pour leur propre liberté.
La décision de Viorel est prise, les filles vont profiter d’une autorisation unique de quitter le pays, lors d’une compétition, car Alina est championne de tir. Le filles partiront seules et ne reviendront jamais. Elles s’installeront, jeunes adolescentes, en Suisse. Les années passent, on retrouve Johan, le fils d’Alina élevé par Dina. On comprend qu’un malheur est arrivé, mais Johan refuse d’écouter les souvenirs et de connaître ses origines. Son cheminement vers la racine de l’oubli est pourtant l’élément indispensable qui va lui permettre de continuer son chemin.
Et l’on se rend compte alors à quel point il est difficile d’obtenir cette liberté qui coûte si cher : l’abandon de sa famille, de ses souvenirs, il faut partir sans espoir de retour pour se créer ailleurs une vie nouvelle. L’auteur utilise la métaphore du sol – sable, argile, calcaire, humus- et donc ses différentes strates toutes si différentes et pourtant toutes indispensables à la survie de chacun, ces strates qui sont aussi la famille, la vie, la mémoire et l’avenir que l’on rêve et celui que l’on vit.
J’ai trouvé intéressant les informations sur la vie d’alors, la dureté du quotidien sous la dictature, la misère et les privations, le manque de liberté, jusqu’à l’envie de produits élémentaires qui parfois déclenche la délation. Egalement, les informations sur la politique de natalité à outrance, et d’abandon forcé des bébés dans les orphelinats où ils étaient maltraités, souvent victimes de malnutrition et de violence, et qui a entrainé un trafic d’enfants et l’adoption de ces milliers d’orphelins à l’étranger.
Sol est un très roman dans lequel affleure une grande tristesse, faite de violence et de mutisme, car les années de silences laissent des traces jusqu’aux générations futures.
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