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Par deux voyages dans les terres sibériennes, où affleure encore la mémoire du goulag, Anne Brunswic explore les paradoxes d'une Russie tourmentée par la vacuité idéologique.
En deux voyages, l'un d'hiver (octobre-décembre 2004), le deuxième de printemps (avril-mai 2005), Anne Brunswic a parcouru la Sibérie, cette région-continent étendue sur dix fuseaux horaires, ni vraiment Russie occidentale ni vraiment lointain Orient, marquée pour longtemps par les désastres du stalinisme et lieu actuel des catastrophes écologiques,
de l'abandon des autorités, des fortunes vite faites grâce à la corruption. De Iakutsk à Vladivostok, d'Arkhangelsk a Anadyr, elle a parcouru des régions immenses où le froid, la taïga, la toundra abritent encore quelques peuples chamanistes méconnus (Tchouktches, Evenks, Evènes, Iakoutes), dans un espace longtemps réservé aux travaux forcés, aux camps de déportation, à l'exploitation désordonnée des richesses naturelles. Anne Brunswic en Sibérie, carnet de notes à la main, a surtout rencontré des femmes : Natalia, Tamara, Viktoria, Lioudmila, Irina... celles qui vivent dans de bonnes conditions et celles qui ont faim, celles - rares - qui partagent leur vie avec un homme et
celles qui se débrouillent pour élever seules leurs enfants. Chrétiennes convaincues, juives ou athées, elles sont professeurs, ingénieurs, fonctionnaires ou simples grands-mères. Parce qu'en Sibérie les hommes n'ont en gros que deux soucis en tête, le travail et l'alcool, les femmes ont beaucoup à dire, qu'il s'agisse d'évoquer des parents déportés, la débrouille quotidienne ou leurs rêves de jeune fille. Ce voyage d'une observatrice du quotidien permet au fil des pages de comprendre des gens encore façonnés par la propagande, si déboussolés depuis la fin du communisme qu'ils cherchent d'autres repères, d'autres espoirs. Il permet aussi à Anne Brunswic,
compréhensive et admirative, d'essayer d'apporter un point de vue personnel, sans jamais froisser ses hôtes, sur l'Occident qui n'est pas paradisiaque, et d'évoquer par exemple les souffrances d'un peuple palestinien dont là-bas on ne sait rien. Au fil des rencontres et des discussions, Anne Brunswic devient un peu la messagère entre ces femmes qui ne se connaissent pas, résident à des centaines ou des milliers de kilomètres de distance, mais vivent les mêmes difficultés matérielles, les mêmes angoisses, les mêmes rêves. Toutes ont en commun la fierté d'êtres Russes et le désir de dire que - entre les immeubles
staliniens et les gigantesques tubulures d'eau chaude - elles sont mieux, ou aussi bien, chez elles qu'ailleurs.
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