Twyla et Roberta avaient huit ans lorsqu'elles ont atterri dans la même chambre de l'orphelinat St. Bonaventure de Newburgh, au nord de New York. Quatre mois durant, elles sont restées inséparables - puis la vie les a éloignées. Des années plus tard, elles se recroisent trois fois de suite par hasard - dans un dîner, une épicerie, une manifestation.
Chacune, à l'occasion de ces retrouvailles inopinées, va se rendre compte à quel point elle est devenue étrangère à l'autre. Et pourtant, elles demeurent indéfectiblement liées par un événement terrible, remontant à leur enfance à l'orphelinat.
Twyla et Roberta ; l'une est noire ; l'autre est blanche ; mais laquelle ? Le lecteur ne le saura jamais - et c'est tout ce qui fait le vertige et la profondeur de cette histoire, que Toni Morrison a écrite « comme une expérience, dans l'idée d'eff acer toute trace de détermination raciale chez deux personnages pour qui la question de la race est déterminante ».
Un texte à la fois limpide et troublant, au coeur de problématiques qui agitent encore et toujours notre époque - la question raciale, l'identité, la violence, la diff érence, l'aliénation.
Twyla et Roberta passent quelques mois dans un foyer d'orphelins : la mère de la première dansait toutes les nuits, négligeant sa fille ; celle de la seconde était malade.
Devenues jeunes femmes, puis mères, elle se croisent à deux reprises des années plus tard. Un malaise entoure leurs retrouvailles.
L'une est noire et l'autre blanche, et ne pas savoir laquelle est d'une couleur ou d'une autre n'a à aucun moment gêné ma lecture.
Dans sa postface, plus longue que la nouvelle mais qu'il faut absolument lire, Zadie Smith nous explique que l'autrice s'est ingéniée à brouiller les cartes, cherchant à nous empêcher de déterminer qui est de quelle couleur.
Entretenir cette ambiguïté avait sans doute un sens dans l'Amérique du début des années 1980 (la publication initiale date de 1983), et en a sans doute encore un dans de nombreux milieux. Pour moi, si elles avaient été toutes les deux jaunes ou rouges, cela n'aurait rien changé...
Je me suis en effet plus intéressé à l'évolution des deux personnages, entre qui l'amitié d'enfance devient l'indifférence des jeunes adultes puis l'opposition frontale, avec le souvenir divergent d'un événement de leur passé.
C'est évidemment très bien écrit, dans un style plutôt épuré, facile à lire.
Un court mais très bion moment de lecture.
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2024/01/04/recitatif-de-toni-morrison-chez-1018-etrange-nouvelle/
Excellente nouvelle ! Un questionnement évident sur le bon sens des femmes et des hommes. Ce qu'ils ont créé dans l'histoire, dans notre histoire. Est-ce un même sentiment qui vous submerge quand vous pensez noir/blanc/pauvre/riche, ....nous espérons que toute l'humanité rejette la déshumanisation. Lire Toni Morrisson c'est comprendre que vous, moi et les autres sommes des humains avant tout. Et laissons la haine ...! Construisons autrement et n'oublions que l'autre a également une âme, et des sentiments. Nous sommes quelqu'un.
Dans la seule nouvelle écrite par elle, Toni Morrison nous montre encore tout son talent.
Deux petites filles qui deviendront ensuite des femmes, l'une blanche, l'autre noire, dans une Amérique encore marquée par la ségrégation.
Si elles ont des histoires différentes, rien ne nous permettra jamais de dire qui est blanche et qui est noire.
J'ai aimé ce tour de force de l'auteure qui nous place, nous lecteur, en constant questionnement.
Car si l'identité raciale n'est pas importante pour nous, elle l'est pour les 2 personnages.
Et puis il y a celle que l'on oublie, obnubilé que nous sommes par Twyla et Roberta : la fille de cuisine muette.
L'image que je retiendrai :
Celle du pensionnat où sévit Bozo, la directrice.
Twyla et Roberta sont deux petites filles de huit ans confiées à l’assistance publique et qui passeront plusieurs mois ensemble en foyer, dans la même chambre.
Ce que nous n’apprendrons jamais - aussi attentive que soit la lecture de ce récit dans lequel se retrouvent les thèmes chers à Toni Morrison tels que la question raciale et l’identité - c’est laquelle de ces deux fillettes est « noire » et l’autre « blanche » !
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« […] peu importait qu’on soit comme le sel et le poivre, et c’était parfois comme ça que les autres gosses nous appelaient. »
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Seule et unique nouvelle de l’auteure, « Récitatif » est conçue comme une véritable expérience de lecture, celle « d’ôter tous les codes raciaux d’un récit concernant deux personnages de races différentes pour qui l’identité raciale est cruciale. ».
Une grande partie du pouvoir de fascination de ce récit - qui est une énigme - réside dans le fait que Toni Morrison se joue de nous : nous sommes - nous, lecteurs - son objet d’expérience ! Twyla et Roberta semblent passer « du noir au blanc » à chaque ligne, chaque page lue.
Remarquablement écrite, cette nouvelle est une expérience littéraire originale et éclairante, portée par la plume engagée et viscérale que l’on connaît à son auteure.
C’est un OVNI littéraire - à lire absolument - que nous offre ici Toni Morrison !
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