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" Il s'agit ici du livre d'un fou d'écriture.
[...] Ce torrent verbal nous raconte qu'Aïssa Lacheb, en même temps qu'un fou d'écriture est un fou de lecture, ayant tout lu, du moins tout ce qu'on pouvait lire dans les bibliothèques de ce monde clos. Ce livre est donc logiquement une " folie ", amalgamant tous les styles, et affichant tous les excès. Depuis que ce livre compte des lecteurs éblouis, Aïssa Lacheb-Boukachache est enfin un homme libre.
" Jean Rouaud
Dérangeant. L’auteur Aïssa LACHEB-BOUKAKACHE a été condamné à quinze ans de réclusion criminelle pour vol avec port d’armes. Il était âgé de 27 ans.
Il a écrit ce livre en prison. Son objectif premier est de défendre sa cause car il estime injuste sa condamnation au regard d’autres jugements intervenus dans les mois précédant sa propre affaire. J’ai été profondément touché par la violence des premiers chapitres, violence et crudité du langage ; même si elle fait parfaitement ressortir la colère et le dégoût de l’auteur sur sa situation. L’auteur met en scène un autre personnage, un codétenu comme un contre-point ou un renfort à ses propos. La violence est très présente dans leurs échanges jusqu’à une violente bagarre qui entraîne une modification de la méthode. Il ne s’agit plus alors de se plaindre et critiquer mais d’argumenter. Cette bagarre n’est peut-être finalement qu’un conflit interne qui permet à l’auteur de se repositionner. Il met fin à la vulgarité car il craint d’être déconsidéré, qu’on ne prenne pas ses arguments au sérieux. L’écriture s’apaise, s’enrichit et s’attelle avec minutie à appuyer le propos de l’auteur. On le découvre certes influencer par ses lectures mais il n’en est pas encombré ; il en retire des arguments, des références qui étayent sa démonstration. Son plaidoyer au Président de la Cour Européenne des droits de l’Homme explique sa situation, reprend d’autres condamnations, mais évoque aussi les manipulations de la justice sur un peuple, des jurés manquant d’instruction (ou du moins de connaissances) ainsi que les dérives langagières de certains professionnels de la justice. Il cite le propos d’un substitut de procureur se levant de sa chaise « pour déclamer au monde entier que ces jeunes-là, accusés, n’étaient que les déchets de la basse humanité. » Il rappelle que « ces paroles sont celles-là même par lesquelles Eichmann et Himmler justifiaient leurs actes. » Ce plaidoyer à défaut de convaincre » son destinataire, fait réfléchir le lecteur sur le rendu de la justice, sur l’usage des mots et le sens de la vie. L’auteur atteint un autre objectif : il (re)devient humain. Parce qu’il réfléchit, qu’il a des opinions construites, il quitte son état de criminel pour retrouver un état d’home libre. Il confirme par là-même la nécessité de l’instruction, de la culture qui donne à chacun le pouvoir de réfléchir et d’affirmer ses opinions. Je l’ai lu en quelques soirées. Chaque chapitre nous porte vers le suivant …
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