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La tauromachie dans l'oeuvre de Picasso.Toros...Le mot seul possède une magie. Il ouvre à l'imagination les portes d'un monde. L'accent espagnol le rend encore plus évocateur, la première syllabe fichée avec violence comme pieu en terre, la seconde soufflée, rauque, se prolongeant en écho, comme l'appel et le défi que l'homme jette au fauve.
De tels mots sont les sésames d'un merveilleux moderne. Ils ont résisté à l'inflation de la publicité touristique et aux interprétations littéraires.
Aucun écrivain n'a su cependant transcender de sujet comme le plasticien qu'est Picasso. Sans renoncer à la représentation du sujet, Picasso sélectionne ses aspects les plus significatifs et son art confère à la corrida une valeur symbolique qui dépasse singulièrement le spectacle folklorique auquel l'ignorance de ses détracteurs la réduit arbitrairement.
La tauromachie tient une place considérable dans tout l'oeuvre de Picasso.
Dès 1890, il dessinait des scènes de corrida.
On partage le goût passionné de Picasso pour la tauromachie, on communie avec lui dans l'enthousiasme de la grande fête populaire, on croit comprendre soudain ce qu'il voit, ce qu'il sent, ce qu'il retient et, comme pour le public, le drame se situe bien au-dessus du duel qui oppose la bête énorme à l'homme vulnérable « chaussé de bs roses » pour reprendre l'expression de Dominguin.
A travers Picasso, la corrida signifie pour nous autant que pour lui.
La corrida, c'est la poésie profonde du pays natal, un des visages éternels de l'Espagne, des règles strictes et inhumaines comme l'inquisition, mais aussi un lyrisme à la Lorca.
La corrida, c'est un motif artistique d'une richesse merveilleuse et déconcertante, c'est les courbes impressionnantes de l'arène, c'est le soleil éblouissant qui blanchit le sable, c'est des jeux d'ombres et de lumières infinis, c'est un répertoire de formes étranges, tantôt figées comme des statues, tantôt filant comme des astéroïdes, et si notre oeil ne parvient plus à les saisir, le crayon de Picasso, lui, le peut.
La corrida, c'est un thème humain éternel, un symbole vivant. Je n'ose la comparer au combat renouvelé du bien et du mal...
C'est un mythe qui date des origines de l'humanité, une figuration où chaque spectateur se débarrasse de ses terreurs et de son agressivité, c'est Thésée mettant un terme à l'odieux sacrifice exigé par le Minotaure, et depuis des siècles se rejoue, comme une cérémonie expiatoire, la mort du monstre divin affamé de chair.
Le torero répétant le geste de Thésée trace de sa cape un dédale mouvant autour de la bête avant de l'affronter, le dos au soleil, en un hallucinant tête- à- tête auquel il ne peut échapper qu'en plongeant son fer à l'emplacement le moins accessible.
Mais tout est dans Picasso.
Déjà avec ses dessins de 1933, Picasso mettait dans le regard du taureau une férocité consciente symbolisant un destin implacable. En 1936, une composition à l'encre de Chine humanise la bête, tandis que des personnages antiques nous transportent loin en Crête.
D'où ces allures d'officiants que prennent le torero et ses assistants.
On n'est pas au cirque, on incarne une légende. Et on ne saurait dire sans abus où va la sympathie de Picasso, si son héros favori est l'homme ou la bête.
La corrida pour lui est une entité indissociable, chacun des combattants ne peut justifier son existence que par la présence de son adversaire. Cette confrontation se répète pour faire de la corrida une part essentielle de l'oeuvre de Picasso et le thème dominant des dessins de cet album.
(Extrait du texte de Georges Boudaille) Identité du livre Le fondateur du Cercle d'Art, Charles Feld, travaillait en étroite collaboration avec Picasso. Plus de vingt livres sur la création du démiurge furent ainsi le fruit de cette amitié.
Dès que l'on ouvre le livre Toros y toreros la participation directe de Picasso à la réalisation est immédiatement perçue : la couverture, les pages de faux-titre et de titre ont été dessinés par lui-même.
L'ouvrage est le fac-similé de trois carnets de dessins, avec leurs repentirs et leurs annotations, et une série de seize dessins en sépia sur des feuilles séparées, tous unis par le thème dominant de la corrida.
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