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À Cerisy-la Salle, du 26 août au 2 septembre 2013, des lecteurs attentifs se sont penchés sur l'oeuvre poétique de Philippe Beck, dans une décade marquante, tissée de réflexions et de débats, nouant le bilan à la perspective. La diversité des approches a mis au jour la qualité de rassemblement d'un chant en ses déterminations et aspirations, dans ses faits établis et dans son devenir (ainsi du « Projet Merlin »). Le préjugé d'obscurité à propos de l'oeuvre de Beck a été levé, réfutant toute démarche exclusivement «théoriciste». Maintenant une conception fortement théorique de la poésie en sa nécessité politique (Benoît Casas), l'oeuvre reste un agencement sensible ouvert à l'interprétation (Tim Trzaskalik) et à l'horizon divers de sa lecture. Elle constitue déjà une rédification, une réfection nécessaire et objective, « plus que lisible » (Jean-Luc Steinmetz).
Dans le colloque, sorte de «laboratoire» aussi, chaque intervenant est entré dans la matière du texte, augmentant cette «poétique des différences» à l'oeuvre chez Beck, et prouvant une «confiance dans la poésie» (Gérard Tessier). S'est alors confirmée l'hypothèse d'un poème qui, issu des rythmes anciens, relance l'oreille dans un champ expérimental. Il capte le monde et le remanie, le « compromet » (Judith Balso), «clairon» plutôt que «berceuse». Sous l'égide bienveillante de Jean Bollack, qui voyait en Beck un poète majeur, les contributions mettent en cause une interprétation en termes étroitement post-célaniens. De sorte qu'Alain Badiou a pu conditionner la réouverture de l'Age des poètes au « post-célanisme conséquent » de Beck. Badiou et Rancière démontrent d'ailleurs la valence politique de l'oeuvre beckien. Il s'agit toujours de voir la matière de la langue même (Annie Guillon-Lévy), d'analyser le poème au plus près, comme fait exemplairement Nancy dans sa profonde lecture de l' « Ouverture » des Chants populaires.
Des aspects fondamentaux de la poétique se dévoilent dans cette perspective : le «dur» et le «rude» (Martin Rueff), l'érudition (Rémi Bouthonnier), la critique du post-romantisme, le rapport entre tradition et renouvellement du langage poétique (Béatrice Bonhomme, Yves di Manno), la dramaturgie du poème (Isabelle Barbéris, Jérémie Majorel), l'importance du sentimental schillérien, la figure du poète «garant» de la parole (Natacha Michel) dans la « chambre ouverte du poème » (Guillaume Artous-Bouvet, Tristan Hordé), la « décision du vers » (Stéphane Baquey), le dépassement de la catégorie du lyrisme subjectif (Antonio Rodriguez), la tension entre poésie et prose (Tiphaine Samoyault), l'adieu au prosimètre que contrarie la « Poésie-Moïse », le croisement des arts (Isabelle Garron, Gérard Pesson, Marcelo Jacques de Moraes), la figure animale (Pierre Ouellet), l'antipathie de « l'impersonnage » (Xavier Person) dans le « système des personnages » (Paul Echinard-Garin), la méthode « didactique » du «regret du futur» selon un chant populaire après Brecht (Günter Krause)...
Les réflexions sur un chant défini « le geste rebelle » qui « manquait depuis les Illuminations » (Jacqueline Risset) sont désormais engagées sur le terrain solide, dialogique et interdisciplinaire des chercheurs et des créateurs.
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