"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Sur la pointe des quatre mille mètres, l'homme des glaciers sublimes, confondant la grandeur et le nombre, s'émerveille bonnement du dédale de sommets qui l'entourent. » S'ouvrant sur une ironique adresse à Ramuz et aux conquérants des cimes et des sommets alpins, tirant gloire ou ravissement éphémères de leurs exploits, Gustave Roud plaide ici pour une expérience de la marche en apparence plus modeste mais combien plus profonde. Le poète fut, en effet, un grand arpenteur des collines du pays vaudois, marcheur nocturne souvent, rendant visite à un ami ou errant sans prétexte ni but. Nombre de ses textes et poèmes sont sans doute nés de ces divagations. Examinant, à sa façon délicate, divers aspects constitutifs du voyage - la solitude, le rythme, les noms de villages, les étoiles, les chambres -, Roud ne s'y arrête que pour décliner la singularité de son aventure : car la marche, si elle implique le corps et sa fatigue, faisant même de celle-ci une alliée, est pour lui une voie spirituelle. Une fuite, une rupture, un oubli, un grand saut hors de la linéarité du temps et de l'architecture de l'espace : il s'agit avant tout de se perdre, de voir se décomposer le monde autour de soi, de devenir le fantôme de ce monde, d'en être expulsé, chassé, pour le faire naître à nouveau dans l'intemporel, dans les mirages de l'esprit et dans les miracles du coeur, au seul rythme de ses pas, au seul diapason de sa joie.
La marche est l'autre nom de la solitude.
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