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Tout ramène le père et le fils, dont les récits alternent dans cet envoûtant roman, au drame qui a fait éclater leur famille.
Le père est en prison. Dans une longe mélopée adressée à la femme qu'il est parvenu à épouser et qu'il aime encore aveuglément, il convoque les prémices enchantées de leur histoire et les souvenirs des jours heureux, mais également l'engrenage des mensonges et de la jalousie. Pour elle, le jeune étudiant issu d'une tribu nomade était prêt à tout : s'inventer un passé, rompre avec les siens, vendre son cheptel et, grâce à cet argent, lui offrir l'avenir chimérique dont elle rêvait. Maintenant que tout est perdu, il se remémore ce monde du désert qu'elle méprisait, la vie d'errance à laquelle il a renoncé, au rythme du soleil, des étoiles et des bêtes.
Leur fils, enfant des quartiers pauvres, n'a pas supporté le silence des dunes, l'école coranique, l'eau qu'il fallait aller puiser. Il s'est vite réfugié chez des amis de ses parents. Les batailles rangées entre bandes rivales, les soirs à regarder le foot à la télévision, les menus larcins, l'empêchent de trop penser à sa mère qu'il adorait. Parfois, il traîne aux alentours de la prison. Et aussi près de la maison de sa petite soeur, Malika, qui lui manque mais qu'on lui interdit de voir.
En écho à la voix puissante et désespérée de son père, celle naïve et bouleversante du garçon vient ancrer la tragédie intime qu'ils partagent dans un saisissant contraste entre croissance urbaine et habitudes ancestrales des Bédouins. Ce n'est pas la moindre qualité de Parias que d'inscrire dans l'universel ces destins si singuliers avec une telle force d'émotion.
Parias est un roman dramatique, et dès les premières pages la couleur est donnée. Les récits entre le père et le fils alternent pour laisser place à une palette de douleurs et de problèmes qui n'en finissent pas. Mais Parias reste tout de même une grande ode à l'amour et aux liens indicibles qui peuvent unir une famille.
Seulement, j'ai été bloquée par l'écriture. Elle est certes magnifique et Beyrouk ne manque aucunement de style, c'est une certitude. Mais les envolées lyriques et ce texte extrêmement poétisé floutent un peu trop le dramatique. Sous la plume de Beyrouk, tout semble plus léger alors qu'il n'en est rien. J'aurais aimé ressentir davantage la tragédie que la stylistique.
Mbarek Ould Beyrouk est un écrivain mauritanien. Son roman est très poétique malgré la dureté de la vie et des propos de ces personnages. Un récit à deux voix (celle du père prisonnier et celle du garçon qui ne doit pas être bien vieux) qui raconte l'horreur vécue par une famille et ses conséquences : la disparition de la mère, la mise aux arrêts du père et la séparation des deux enfants, l'une chez un oncle et le deuxième chez des voisins. Misère, pauvreté, violence et malgré tout poésie. Un roman singulier par le ton, la forme et le contenu.
Le père. Le fils, Deux discours pour dire le passé. Pour que l’on comprenne pourquoi le père est en prison et le fils hébergé par des amis de la famille.
Qu’est devenue la bien- aimée, celle à qui s’adressent ces pages de louange et d’amour ? Comment cette union maudite, l’impossible alliance des bédouins et des sédentaires, s’est-elle achevée, laissant deux enfants séparés, et un homme en prison ? Alors que l’enfant s’acoquine avec les gosses des quartiers pauvres, où les rapines font partie de la règle du jeu, il tente d’approcher sa soeur, se fait chasser, s’échappe de la férule des nomades, incapable de supporter la rigueur de l’école coranique .
Les deux récits alternent, bien marqués par leur style d’écriture.
Le long poème désespéré du prisonnier, qui exprime ses regrets pour un passé de malheur, un amour qui a volé en éclat, souillé par la trahison et la jalousie. Le quotidien misérable de la prison n’est pas le plus difficile à vivre.
Et la voix du fils, encore teintée de naïveté, mais qui porte malgré tout les stigmates de l’enfance brisée, et qui cherche à comprendre.
Le drame s’habille de poésie, et l’écriture tient ses promesses. L’histoire reste centrée sur le destin de cette famille, sans élargir le propos au contexte historique , mais quand même bien imprégnée d’une ambiance locale spécifique.
Qu'il est beau cet texte. Le père, dans une langue belle écrit son amour inconsidéré pour la jeune femme qu'il rencontre. Prêt à tout pour la conquérir et la garder, quitte à se mettre les deux familles à dos. Il y parle poésie, lui le nomade qui a renoncé à la vie de ses ancêtres pour s'installer en ville. Mais vite, il aborde la difficile mixité sociale, l'amour qui s'effiloche, l'obligation d'éloignement pour le travail qui sépare les corps et les cœurs.
"Moi, je n'ai jamais su atteindre les côtes dont je rêvais pourtant. Je voulais aller là où vous étiez, toi et les enfants, me baigner chaque jour de la calme sérénité des moments tranquilles, connaître le langage de tous les jours, les habitudes de chaque instant, les rires, les fâcheries, les petites joies et les petites peines, je ne demandais rien que cela, le bonheur des gens modestes, et je ne l'ai même pas eu." (p.154/155)
Le passé simple donne à la lettre du père une classe et un charmes désuet, comme s'il pouvait enfin écrire à sa bien-aimée tout ce qu'il n'a pas pu lui dire. C'est beau, tout simplement.
A l'inverse, le récit du fils est beaucoup plus oral, c'est un pré-ado qui s'exprime. Le calme, la force et le désespoir du père en sont renforcés. Élevé par un ami, il traîne dans les rues du PK7, se bagarre, chaparde, ce qui lui évite de trop penser aux disparus, sa mère et son père qui refuse qu'il vienne le voir à la prison ainsi que sa petite sœur, Malika, recueillie par un oncle qui refuse de le voir. C'est un récit plus direct, plus naïf qui en écho à celui du père permet de comprendre la globalité de leur histoire familiale.
J'ai déjà lu Beyrouk et son formidable Le griot de l'émir. De nouveau, je suis séduit par son livre, son écriture, la finesse, l'élégance et la beauté d'icelle.
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