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Lucie entre dans une école de cinéma, elle travaille dans une friperie, elle a vingt ans. Elle se regarde, se photographie, et sur les réseaux envoie son image. Son prof l'ignore. Elle voudrait être blonde comme l'autre, ses cheveux sont crépus. Elle découvre of the blue Dennis Hopper, et Cebe, incarnée par Linda Manz, la fascine. Elle voudrait être Cebe parce que c'est une héroïne révoltée, violente et désespérée. Mais pas facile de se révolter comme ça, de nos jours. Lucie essaie, se fait un film. Elle joue la révolte la violence la passion. Avec la rage de réussir à Paris. Coûte que coûte. Et l'écriture cingle comme une gifle.
Bleu nuit, superbe, d’une contemporanéité hors norme, « Out of the blue » est une mise en abîme émancipée, plausible.
Lucie, c’est elle, le flambeau de ce récit, vingt-ans, la jeunesse aux abois, décidée, avant-gardiste, quelque peu cynique à l’instar de Diogène. Flirtant parfois sur la ligne jaune, qu’importe !
Ce texte d’Élodie Issartel est un symbole. Le titre, bande-annonce de la trame, parabole du film de Dennis Hopper. L’image même de Lucie, le regard de pluie, la sauvagerie de l’indépendance. Cebe sa siamoise, lianes gémellaires, le fuseau horaire dans un même tempo.
« Out of the blue » est d’une authenticité telle, qu’on imagine Lucie, Cebe confondues dans l’histoire qui s’échappe d’une fiction par la grande porte.
Lucie a une passion, le cinéma. Elle désire devenir réalisatrice. Elle travaille dans une friperie avec Clément. Amis solidaires, duo comble de débrouillardise, de petites combines. La friperie est le refuge. Celui des regards, des confidences. Deviner l’autre présent suffit au soleil, au déballage des fripes. Ils vivent dans cet antre, rescapés d’un monde hostile à leurs yeux, radeau de Géricault. On aime les alliances, les habits essayés et le masque qui tombe, un peu, beaucoup, passionnément. Les siestes en arrière-plan, les veilles sur la tendresse, écharpe autour du cou. Matrice salvatrice.
« Quand Clément met ses lunettes de soleil, c’est qu’il est mal luné, que la nuit a été courte et qu’il ne faut pas lui parler, surtout quand sa lèvre supérieure tremble... Dans ces moments là, il fait des croquis de sculpture et Lucie dessine des cailloux. »
« Lucie se raconte des histoires qui finissent mal, qui finissent dans le sang et qui n’ont rien de chouette, qui lui font prendre les fausses pour des vraies, et ce qu’elle ne veut pas pour ce qu’elle désire. »
Lucie est un volcan en éruption. Elle collectionne les j’aime sous ses posts. Elle cherche l’issue de secours dans le tremblement des vitres fissurées. Elle communique sur les réseaux. Les écrits des hommes sont des armures. Les faux-semblants, exutoires, amers, et mélancoliques. Vivre de scénarios, les siens, approuver Dennis Hopper et les lames de fond. Pousser la porte des diktats et se retrouver dans un amphithéâtre emmêlée à la société des nantis, des belles et de ceux qui, forcément perceront au grand jour. Les mutilations sont visibles. Montrer sa différence coûte que coûte. Ses souffrances au grand jour, Lucie est une biche traquée. Manichéenne, toute de dualité, fragile et forte, amoureuse et peureuse, volontaire mais désespérée. Cette jeune femme est une héroïne qui s’ignore. Elle est dans ce livre d’immensité, un edelweiss à flanc de rocher battu par le vent, la féminité rouge écarlate, Cebe la tragique, l’écorchée vive.
« Out of the blue » est un macrocosme existentiel. Claquant, dramatique, bouleversant, ce récit est le piédestal d’une littérature affranchie. Magistral. Publié par les majeures Éditions Vanloo.
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