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Loin d'être figées, les figures du monstre sont emblématiques de leur époque. Celles qui sont aux fondements de la psychiatrie et de la psychologie criminelles du XIXe siècle (du criminel moral au criminel politique) furent inventées en référence aux lois de la nature et aux normes de la société. Tandis que leurs homologues contemporains (l'étranger, le marginal, l'homme jetable) sont le produit d'un discours social qui identifie l'individu à un déchet.
À l'intersection de l'humain et du monstrueux, les figures actuelles du monstre criminel (le fou dangereux, le toxicomane, le pédophile) ressuscitent l'humanité du « monstre » en le rendant familier. Acte absolu issu d'un registre pulsionnel pur, le crime devient ainsi tant tolérable (en le faisant passer du côté de l'imaginaire) qu'intelligible (en restituant sa dimension signifiante dans la continuité d'une histoire).
Or, les figures actuelles du monstre criminel mettent en péril la réalisation d'un tel fantasme. Ces sujets ont en commun une extrême résistance au changement et font par conséquent l'objet d'un acharnement « thérapeutique ». Ce plaidoyer pour un soin judiciarisé (puis médicalisé dans l'après-coup) puise ses sources dans l'histoire même de la psychiatrie. La similitude entre le modèle de classification psychiatrique (basé sur les symptômes) et le système de codage pénal (basé sur les actes infractionnels) s'inscrit dans la continuité d'un même paradoxe, qui confond crime et folie et peine et soin. Le sujet est alors nommé, identifié, classé et codé en référence à un symptôme ou à un agir. Or, en le confondant avec son acte (crime), le discours social annule le sujet et crée des impasses thérapeutiques récurrentes (peine de suivi socio-judicaire, injonction de soins) tant pour le soignant que pour l'usager. Cette situation ne fait de place ni au sujet ni à sa demande et maintient son exclusion du lien social.
Bien au-delà des différences (âge, sexe et culture), il sera montré en quoi les nouvelles figures de l'acte se soutiennent du même paradoxe qui régit le rapport du sujet au social. Un paradoxe qui fait basculer le monstrueux du côté du familier.
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