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Anatoli Mariengof était très connu dans les années 1920, même s'il n'avait pas la célébrité de Blok, de Maïakovski ou de Essenine. Il n'a pas été choyé par le régime soviétique mais moins persécuté que d'autres. Il est mort dans son lit ; il n'est pas auréolé de la couronne du martyre, et c'est peut-être ce qui explique qu'il n'ait pas encore retrouvé post-mortem la place qui lui revient dans la littérature russe.
Ses Mémoires sont un document irremplaçable pour connaître l'atmosphère de son époque, quand les jeunes poètes ne juraient que par l'imaginisme (mouvement qui succédait au futurisme) et que les vieux professeurs de collège décryptaient la révolution d'Octobre à la lumière de Platon et d'Aristote. Totalement immergé dans la vie intellectuelle et artistique de son temps, Mariengof donne de ses amis et connaissances de savoureux portraits. Mais la valeur de cet ouvrage n'est pas seulement documentaire, c'est une oeuvre d'art, et à ce titre profondément subjective.
L'image de l'auteur qui se révèle à nous est très attachante. C'était un homme heureux. Cela peut paraître incongru et même scandaleux, car il ne s'agit pas du bonheur collectif de commande que les écrivains officiels étaient censés exprimer, mais d'un bonheur profondément intime et personnel qui a résisté aux deuils et aux malheurs. Sa voix détonne singulièrement dans la littérature russe : peu porté sur la métaphysique et les « questions maudites » à la Dostoïevski, individualiste, hédoniste, il est sans doute plus proche de nous.
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