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Paris, octobre 1961 : à Richelieu-Drouot, la police s'oppose à des Algériens en colère. Thiraud, un petit prof d'histoire, a le tort de passer trop près de la manifestation qui fit des centaines de victimes. Cette mort ne serait jamais sortie de l'ombre si, vingt ans plus tard, un second Thiraud, le fils, ne s'était fait truffer de plomb, à Toulouse.
Ce livre de 1983 est important. Il a certes été une révélation pour moi à l’époque et a modelé mon goût de lecteur pour les polars qui mêlent la petite histoire dans la grande mais il a surtout remis sous les projecteurs un évènement tragique nié par la société : la manif des algériens en colère d’octobre 1961.
Cela a causé quelques soucis à Daeninckx ; auteur majeur pour moi que je n’ai cessé de lire depuis, il sait marier à merveille réflexion politique et intrigue policière. Il attise les consciences tout en sachant donner une consistance réelle à ses personnages, ici l’inspecteur Cadin dont j’aurais l’occasion de reparler.
Coup de cœur (et même plus)
En tant que Belge, je ne savais pas ce qui s’était passé dans la soirée du mardi 17 octobre 1961. Et je n’avais pas conscience de cette répression meurtrière, par la police française, d'une manifestation d'Algériens organisée à Paris par le FLN, que Didier Daeninckx décrit ici minutieusement. Et l’auteur nous explique également à quel point le sujet, bien des années plus tard, est resté un brulôt incandescent. Mais je pense qu’il en est de même dans mon pays à propos des événements de la décolonisation au Congo.
Ainsi, après quelques pages décrivant la manifestation et sa tragique conclusion, Daeninckx nous raconte un meurtre idiot, une bavure, pensons-nous, le meurtre d’un innocent professeur d’histoire par un (faux) CRS. Puis nous faisons un bond dans le temps : nous voilà à Toulouse, au début des années 1980, et le fils du professeur d’histoire se fait à son tour assassiné en pleine rue, au grand jour. L’inspecteur Cadin prend l’affaire au sérieux quitte à remuer des secrets d’Etat, à fouiller dans les strates de l’ignominie humaine, à chercher inlassablement le ou les coupables, sans laisser tranquilles les responsables. Et il ne se doute guère de ce qu’il va découvrir.
Daeninckx fait le portrait de la France mitterrandienne, une France qui commence à affronter les fantômes de son passé. Mais cela se fait dans la poussière des archives, dans le questionnement de témoins amnistiés, dans le secret des cabinets ministériels. En effet, comme tout chercheur, Cadin (nous) apprend un grand nombre d’éléments inutiles pour l’enquête mais qui installent le décor, les lieux aussi bien que l’époque. Si bien que tout cela, bien plus ancien que moi, subitement, redevient d’une brûlante actualité. La démocratie ne doit pas s’endormir sur ses lauriers, si ce n’est au risque de permettre aux totalitaires de la pervertir.
De plus, l’auteur peut en quelques lignes aux détails bien sentis (une publicité, une marque désormais oubliée, un slogan sur un mur) jouer avec notre mémoire, insufflant un peu de cette nostalgie pour un âge d’or qui n’a pas existé. En effet, le ver était déjà dans le fruit à l’époque. Nous n’avons fait que le laisser grandir.
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