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« Ici, l'effacement du langage résulte de la substitution du mouvement, sorte d'abandon de soi, de laisser-aller et d'acceptation de cet abandon. Le poème est douloureux car il n'a plus la force. Il s'accroche à l'inertie, se déprend du réel, se cherche une méthode pour tenir debout dans un ailleurs diffus. Le repos lui est interdit, le silence imposé. La prose finale achève le renfoncement dans une matière atone - la reconnaissance de l'impossibilité de la langue où il faudrait marquer sa place dans le monde.
Le poème est ce mensonge, l'usage de la parole comme blessure à sa propre pensée et comme destruction de soi. La lenteur qui prend la gorge, la langue qui expose sa maladresse se dissout dans l'ordre des choses, se retire du sentiment pour chercher refuge dans l'habitude. Ce qui reste, après destruction du langage, est ce qui a nourri l'espoir d'un temps passé, ce qui n'a pu être dit ou ce qui a été dit dans un lieu qui se manquait à lui-même. » (Julien Marchand.) * Comme y invite l'incipit de la prose qui conclut le livre : Construction du bateau à partir du naufrage, on peut comparer l'effet syntaxique de l'anacoluthe (étymologiquement : absence de suite) dans le poème au paradoxe du menteur : Celui qui avoue mentir dit-il, ce faisant, la vérité ?
Car, dans l'un et l'autre cas, l'enjeu du langage est transféré de l'énoncé à l'énonciation, mais une énonciation singulièrement déprise d'elle-même. Ainsi, la forme du vers long (relativement rare d'emploi de nos jours), dans les trois premiers chapitres du livre, fournit les conditions de l'anacoluthe, dont l'effet est celui de discrétiser le vers, dans un mouvement de continuité-discontinuité.
Partant, la logique causale est ébranlée ; le langage perd sa transparence référentielle pour laisser apparaître, dans ses « brusques sautes de syntaxe », le non-dit comme dénégation conscientisée : « Il lui faut, dans la même lumière, cacher là où il s'agit de montrer, mais aussi de montrer là où elle voudrait cacher, et d'abord se cacher. »
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