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Pour le breton catholique Jean Cras, choisir de composer une messe est naturel. Opter pour ce «?genre très spécial?» de la messe a cappella procède en revanche d'une recherche technique et esthétique particulière de sa part qui se superpose à - voire se justifie par - la portée spirituelle et symbolique de l'oeuvre. Composer est ici un acte de foi. La Messe, dans sa dimension formelle exigeante, son écriture souvent contrapuntique, renvoie à la nécessité qu'il énonce de produire une musique rigoureuse, bien maîtrisée techniquement, solidement charpentée. Dans l'intensité de son discours mélodique, généreux autant qu'intérieur, se perçoit cet élan de l'âme domptée dont il parle, qui donne à cette oeuvre magnifique une grande intensité et sincérité de ton (cette musique dénuée d'artifice qu'il appelle de ses voeux).
La Messe à quatre voix mixtes a cappella de Jean Cras est unique en ce sens qu'il n'en existe aucune autre comparable, ni à son époque, ni antérieurement. Particulièrement, le choix de l'écriture a cappella reste rare. Il suppose en effet des choeurs sûrs. Cette Messe est difficile pour les chanteurs, supposant des registres vocaux étendus, la maîtrise d'intervalles mélodiques parfois ardus au sein d'une phrase (chromatismes par exemple) ou entre deux phrases (grands écarts), une capacité pour chaque pupitre à attaquer ses phrases et à conduire sa ligne indépendamment des autres, tout en ayant conscience de l'ensemble. Les difficultés tiennent sans aucun doute au fait que le choeur se voit traité comme un instrument en soi, dont Cras va explorer les limites sans se soucier des embûches que son écriture peut comporter. Il pense un groupe vocal et non des voix superposées.
Il semble que la Messe de Jean Cras n'a pas été exécutée de son vivant. Le manuscrit est resté longtemps dans les archives familiales avant qu'il ne soit déposé à la médiathèque musicale Mahler de Paris. Sa première exécution sous la forme originelle a cappella a eu lieu à la cathédrale arménienne catholique de Paris en avril 2007 par le Madrigal de Paris sous la direction de Pierre Calmelet, peu avant son enregistrement par les mêmes interprètes pour le label Timpani.
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