Toujours dans un flottement d'indécision en ce qui concerne un éventuel départ à l'étranger. Il me semble que l'aventure se passe ici. J'invente des excuses pour ne pas partir. Dans ma tête, allongé sur mon lit, je suis en partance. Je me sens paresseux comme un loir. Aujourd'hui l'excuse pour ne pas partir, c'était de m'acheter un nouvel ordinateur. Voilà c'est fait. Toujours aussi maladroit quand il s'agit de toucher du neuf. Déjà fait quelques conneries. Ai confondu les CD et les DVD. Du coup pour sauvegarder le système d'exploitation, il a fallu 13 CD au lieu de 3 DVD. Tout ça parce que je n'y connais rien dans tout ce beau bordel. Et puis, je suis toujours d'une grande impatience devant l'ordinateur. Je sais, je m'y prends mal avec lui. Je l'engueule. Je le traite de tous les noms d'oiseaux. La patience, disait mon père, c'est creuser un puits avec une aiguille. Si ton rêve est grand il faut être patient. Attendre, attendre passe temps millénaire de l'humanité.
Mais je continue d'être impatient devant un ordinateur qui se met à faire des beugues. Un ordinateur est logique et je suis parfois illogique.
Un ordinateur a toujours raison. L'illogisme irrite l'ordinateur. Un ordinateur peut faire de la résistance devant mon flagrant illogisme. Bien sûr on va me dire: pourquoi un ordinateur? Pourquoi un ordinateur? Pourquoi pas une moleskine? J'écris également dans une moleskine quand l'ordinateur se met à faire de la résistance devant mon flagrant illogisme. Dans la moleskine j'écris au Rollerball. Cela glisse comme le duvet qui vient se poser sur une vitre l'hiver par temps de gel. Tandis que l'ordinateur, quand je suis en accord avec lui, c'est-à-dire illogique, on peut dire qu'il me sert de piano. Je me sers de l'ordinateur comme un piano. C'est bête à dire mais c'est peut-être ça l'imagination, prendre son ordinateur pour un piano. Faire un peu de piano avec lui. Tout va bien mieux quand je prends l'ordinateur pour un piano. L'imagination c'est le levain qui corrompt tout. L'imagination rend tout possible. L'imagination c'est l'être humain qui compose du nouveau. Peut-être je compose du nouveau sans le savoir? La voie qui mène au réel c'est la voie de l'imagination. Le réel a-t-il plus d'imagination que ce qu'on peut imaginer à partir de lui? Le propre de l'imagination c'est d'être surpris par ce que l'on a l'habitude de voir. Qu'est-ce que l'imagination? Faut-il de l'imagination pour pouvoir répondre? Je dis toujours que je n'ai aucune imagination. Que le vent est une personne, que je ne fais que restituer ce que je rumine toute la sainte journée. Je le restitue en ruminant. Je suis pour la vertu des vaches.
Je laisse courir mon imagination. Laissons courir notre imagination, le vent, aura vite fait de la rattraper. L'imagination fabrique de l'inconnu à partir du connu. L'imagination par delà tout ce qui existe fait apparaître ce que l'on a sous les yeux. L'imagination peut être aussi une chimère qui se livre à sa capacité d'être chameau, ou lion, ou serpent, le lion pour sa capacité d'excès de domination, le serpent pour sa capacité de vanité. L'imagination est une chimère dont l'exaltation est excessive. Le vertige c'est de tomber amoureux d'une création.
Je rumine le mot « imagination » depuis ce matin. Ruminer, je suis un ruminant, je rumine.
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