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Revenu pour quelques jours dans la petite ville de mon enfance Fontenay-le-Comte, en Vendée, une lectrice me dit :
- J'ai connu autrefois une Odette Ragon que l'on appelait la Tonkinoise. Vous n'en parlez pas dans l'Accent de ma mère. Elle n'était pas de votre famille ?
Odette m'était renvoyée brutalement et, en toute justice, en pleine figure, comme une gifle. Odette, la petite Cambodgienne que mon père, sous-off de la coloniale, avait ramenée d'Indochine et qui fut l'une des énigmes de mon enfance ; Odette, ma soeur aux yeux d'Asie.
Dans l'instant, je revis la bourrellerie de cousin Gaston où nous nous étions retrouvés en juillet-août 1940, dans cette période floue entre l'armistice et l'occupation allemande institutionnalisée ; cet été 40 où nous nous sommes sentis si proches, si délicieusement fraternels ; et où nous avons découvert, dans une vieille cantine noire, les lettres que notre père envoya de 1909 à 1922 du Tonkin, de la Cochinchine, du Cambodge.
Quelles découvertes ! Cette demi-soeur (mais était-elle la fille de mon père ou un enfant adopté comme on le disait dans la famille ?) et cette Indo-Chine ressuscitée des Chinois à nattes, avec son goût trouble du péché, ses diableries, ses congaïs qui s'achètent, la morbide torpeur des petits postes dans la brousse encerclés par des pirates invisibles, ses deux premières batailles de Diên Biên Phu ; et ce racisme d'un sous-off de la coloniale, cet impérialisme tranquille, étalés sans complexe.
Je revoyais nos dernières grandes vacances de l'été 40, avant l'interminable temps de guerre. Et notre affection trouble, à la limite d'un amour pudique... Aristide-le-Cochinchinois, la terrible tante Victorine, l'Exposition coloniale de 1931, les invraisemblables manuels militaires trouvés aussi dans la vieille cantine noire, la boutique du bourrelier...
Je répondis sans trop réfléchir à tout ce que je devrais interroger :
- Odette ? Mais oui, c'était ma soeur. Je n'en ai pas parlé parce que, pour elle aussi, je ferai un livre.
Le voici.
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