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Françoise Seigner, elle-même actrice de renom, raconte la vie de son père, strict inconnu, parti de rien, devenu le grand acteur que l'on sait de la Comédie-Française. Des pages d'histoire théâtrale se mêlent à celle de la France depuis 1920 jusque dans les années 80. Issu de parents commerçants, le jeune homme commence par suivre des cours gratuits au Conservatoire de Lyon et décroche de premiers petits rôles dans deux théâtres de la ville avant de monter à Paris tenter sa chance. C'est la rencontre avec Firmin Gémier, à l'Odéon le grand initiateur du théâtre populaire, qui va peu à peu le lancer. Il endosse d'abord des rôles muets de « vieux », chefs d'oeuvre de composition physique dont lui seul a déjà le secret, qui le mènent à un rôle de roi avant de l'introduire à toutes les figures du répertoire classique comme le Pyrrhus d'Andromaque (Racine) ou l'Alceste du Misanthrope (Molière). La stature de Louis Seigner gagne en puissance. Jusqu'à le porter sur la scène de la Comédie-Française. Mais c'est parfois aussi l'Histoire qui se joue derrière le rideau rouge des théâtres... Quand Louis Seigner rejoint le temple de la Comédie-Française, en 1941, c'est pour suivre une tournée à travers l'Europe centrale et les Balkans, dans une véritable « drôle de guerre » que se livrent troupes françaises contre troupes nazies. C'est « Racine, Molière et Musset contre Wagner » écrit ainsi Françoise Seigner. Loin d'être simple figurant durant ces heures sombres, Seigner s'efforce au contraire de « résister » pendant l'Occupation, contre les forces malfaisantes de Madeleine Renaud et de Pierre Bertin, nouvelles éminences grises qui succèdent au départ du grand Edouard Bourdet à la tête de l'institution. Pour nourrir une famille qui s'agrandit, Seigner se résigne à passer sociétaire, fût-ce confiné dans des « manteaux » ou rôles de second plan. Est-ce la fin du grand Seigner ? Ce serait sans compter sur le coup de théâtre récurrent qui l'a tiré à chaque fois de l'immobilisme ou de l'attente. Il fait preuve de combativité. Il joue par tous les temps, toutes les saisons. Quand il était encore à l'Odéon, pour pallier le vide financier des six mois de fermeture que ne couvraient pas encore les Assédics, il lance l'aventure des Dramatiques sur Radio-Paris : des nuits à déclamer en direct avec la complicité de ses camarades de réplique. La politique fait-elle du théâtre ? C'est ce que révèle la tournée, en 1954, en URSS, alors que la guerre froide bat son plein. Les comédiens-français embarqués avec toute la presse française pour couvrir leur première sortie en terre ennemie, approchent le pouvoir au nez et à la barbe des ambassadeurs et des médias. Une main, surgie de derrière le rideau, les tire de scène au huitième rappel, pour les conduire autour d'un buffet monstre où le Kremlin entend consacrer en petit comité le triomphe écrasant de la tournée.
Un très beau portrait du pionnier de la dynastie Seigner. Et qui fait aujourd'hui surtout figure de grand-père des actrices Emmanuelle et Mathilde Seigner.
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