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Sous la direction de Jean-Nicolas Illouz
Ce livre interroge le genre lyrique en faisant porter l'accent sur les fonctions du destinataire dans le poème, sur les figures de l'adresse, et sur le geste de don qui accompagne l'oeuvre. La parole lyrique, invoquante ou désirante, y apparaît comme une parole fondamentalement tutoyante, tournée vers un interlocuteur qui cependant se dérobe, comme si l'énonciation poétique ne se soutenait que de l'inconnu de sa destination.
Plusieurs figures font poindre cette place, nécessairement vacante, de l'autre dans le poème. Il peut s'agir sans doute de figures restreintes : une figure grammaticale (le vocatif), ou des figures rhétoriques (l'apostrophe et ses divers développements, comme l'hypotypose), elles-mêmes filées ou amplifiées dans des formes poétiques fixées par la tradition ou disséminées dans les écritures de la modernité, comme l'envoi, l'épigramme, l'éloge, l'hommage, le thrène, le toast, ou le tombeau... Mais aucune figure ne suffit à désigner à elle seule la part de l'autre dans la parole. Parce que celle-ci est inassignable, elle est aussi partout dans la langue dès que l'on parle ; si bien que l'apostrophe engage en réalité tout le travail du poème, auquel elle donne sa pulsation initiale, et dont elle constitue le ryhtme fondamental.
En réfléchissant sur les différentes manières dont le don du poème se met en scène dans le texte (par exemple à travers les tours et les détours d'une dédicace, dans le repliement de l'oeuvre sur elle-même ou au contraire dans son ouverture qui la voue à une réception imprévisible), ce ivre prend donc pour objet la communauté qu'instaure le partage du poème, que cette communauté se pense au miroir de modèles sociaux existants ou qu'elle joue de sa dissidence, qu'elle se garantisse de quelque grand Autre (qui sacralisait jadis l'offrande poétique) ou qu'elle se reconnaisse désormais adossée à la solitude d'écrire.
Dix-huit études de grande qualité, offertes par des chercheurs reconnus ou plus jeunes, composent cette Offrande lyrique. Elles balisent quelques-uns des moments les plus significatifs (ou les plus critiques) du lyrisme, dans un champ chronologique qui va de l'Antiquité à l'extrême-contemporain.
Les contributions :
« La dédicace et son secret » par Christian Doumet ;
« Inventions et métamorphoses du destinataire dans la poésie lyrique gréco-latine » par Stéphane Rolet ;
« À qui s'adresse le message amoureux ? » par Gisèle Mathieu-Castellani ;
« Je ne suis que parole intentée à l'absence » : Les paradoxesde l'adresse funèbre chez Jouve et Bonnefoy » par Anne Gourio ;
« Jean de la Croix : donner à entendre » par Gérard Dessons ;
« Mirlifiques oberliques. Charles d'Orléans marchand de chansons » par Christopher Lucken ;
« Poètes lyriques, poètes "leriques" ? Sur quelques mutations du "chant" à la Renaissance » par François Cornilliat ;
« " Voici des fruits, des fleurs..." Remarques sur le poème comme don d'amour » par Dominique Rabaté ;
« Donner sa langue au chien » par Anne E. Berger ;
« Offrande publique et don privé : Baudelaire et le don du poème aux poètes » par Loïc Windels ;
« Mallarmé, " à une tombe ou à un bonbon " : éthique et poétique du don (à propos des Loisirs de la poste et autres Récréations postales) par Jean-Nicolas Illouz ;
« Don du poème dans la poésie mondaine du XVIIe siècle » par Alain Génetiot ;
« " Survivants de la fourmilière 304, regroupez-vous ! " : la communauté humaine et le sujet poétique dans Épreuves, exorcismes (1940-1944) de Henri Michaux » par Céline Guillot ;
« " À un jeune homme " : poétiques de l'adresse au jeune poète (Max Jacob, Jean Genet, Jude Stéfan) par Margot Demarbaix ;
« Poétique de l'interlocution : Ossip Mandelstam, Paul Celan, André du Bouchet » par Jasmine Getz ;
« " Objet invisible » ou « mains tenant le vide " : que peut donner la sculpture ? » par Martine Créac'h ;
« Yves Bonnefoy et le don de la citation : un vers de Ronsard dans Les Planches courbes » par Patrick Labarthe ;
« La tombe et le passant : l'apostrophe de la mort » par Jean-Claude Mathieu.
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