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« Bien que la première imprimerie corse ait été établie à Bastia vers le milieu du XVIIe siècle, et non en 1764, comme on le croit communément, l'art de Gutenberg ne fut introduit à Ajaccio qu'en 1801, par le comte Miot, administrateur général de la Corse. Cette utile institution, réclamée avec instance par l'Administration centrale du Liamone, reçut, à son origine, le titre d'Imprimerie nationale. Lucien Bonaparte qui était alors ministre de l'Intérieur, donna, à cette occasion, une preuve de sa sollicitude envers sa ville natale, en joignant au matériel fourni par l'État, celui d'une imprimerie dont il était possesseur. En même temps il ordonnait au Directeur de l'imprimerie de la République, à Paris, de désigner un chef et trois employés pour aller diriger celle d'Ajaccio.
Ce personnel partit de France le 16 pluviôse an IX, en compagnie de Miot, chargé pour la seconde fois du gouvernement de la Corse. Cet ami éclairé des insulaires dirigea avec intelligence les premiers efforts, et acquitta sur les fonds de sa caisse les dépenses d'installation, ainsi que les appointements des employés fixés par lui à 630 francs par mois. Sous son active impulsion, la nouvelle imprimerie, montée dans l'ancien couvent des Jésuites, au quartier de Saint-Erasme, rivalisa bientôt avec celle de Bastia, la seule qui existait à cette époque pour les deux départements du Golo et du Liamone. Afin de compléter son oeuvre et aussi pour l'utiliser avantageusement, puisqu'elle était une charge pour le Trésor, l'Administrateur général songea à fonder un journal dont la nécessité se faisait sentir, vu l'éloignement de la Corse de la métropole dont le trajet se faisait alors péniblement par bâtiments à voiles.
Suivant le projet de fondation, cette feuille, intitulée Journal de la Corse, devait paraître par décade dans le format in-4°, avec la traduction italienne en regard du texte français ; elle devait offrir dans un même cadre :
1° Les lois et actes du gouvernement de la République française.
2° Les arrêtés et décisions de l'Administrateur général.
3° Un choix de nouvelles politiques.
4° Les jugements rendus par les divers tribunaux de l'île.
5° Un article sur l'agriculture.
6° Un article sur la médecine ou l'économie rurale.
7° Faits divers et annonces, avec la mercuriale du prix des denrées.
Les dépenses occasionnées par le journal ne devaient pas dépasser 3.000 fr. ainsi répartis :
Une feuille d'impression in-4o double, à deux colonnes, français et italien, caractère petit romain, tirée à 500 exemplaires, exige :
40 rames de papier par an, à 13 fr. l'une : 520
Un rédacteur à 100 fr. par mois : 1.200
Un traducteur au même traitement : 1.200
Total 2.920
Dans ce devis les frais de poste n'étaient pas compris, parce qu'on espérait que le Premier Consul, enfant d'Ajaccio, qui avait rempli les coffres du Trésor public avec le tribut de ses victoires, voudrait bien ajouter à ses bienfaits envers le lieu de sa naissance, celui de la franchise de port en faveur d'un journal imprimé par les soins et sous la surveillance du Gouvernement. En outre, pour améliorer les recettes, on comptait sur l'abonnement d'office imposé à toutes les communes de l'île, à raison de 10 francs par an. Dans ces conditions, loin d'être une charge, la feuille ajaccienne se trouvait en bénéfice de plus de 2000 francs réalisés de la manière suivante :
Abonnements de 300 mairies à 10 fr. : 3.000
- idem - de 200 particuliers : 2.000
Total 5.000
Le premier numéro du journal allait paraître, lorsque Miot à qui les Corses doivent tant, pour ses soins et ses bienveillants arrêtés, devint victime des intrigues de la jalousie et de l'ambition. On sait que ses pouvoirs étaient ceux d'un vice-roi et qu'il n'en abusa point. Néanmoins, les deux préfets du Golo et du Liamone, originaires l'un et l'autre du pays, ainsi que les généraux qui y commandaient, s'accommodaient mal de cette toute puissance, laquelle, disaient-ils, ne servait qu'à annihiler leur autorité. Aussi envoyèrent-ils de concert rapports sur rapports aux ministres compétents, contre certains actes administratifs de leur supérieur. Miot, consulté à ce sujet par le Ministre de l'Intérieur, défendit mal sa cause et fut rappelé sur le continent. Après son départ, son projet de journal fut mis de côté, mais pour être repris plus tard, comme on le verra. »
L'Imprimerie à Ajaccio depuis son origine, pour servir à l'histoire de la presse en Corse, par Louis Campi,...
Date de l'édition originale : 1904
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