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Papa était l'homme de ma vie. Le plus insurmontable des caps. Immense, blond, impénétrable. Les yeux bleus de papa me transperçaient. Il me reprochait d'être là. J'étais le p'tit vieux, le p'tit frère qui s'était trompé de famille. Maman m'aimait pour deux. Je vouais à papa une admiration rageuse et craintive. Je lui volais ses stylos. Comme lui, je voulais être écrivain. Je voulais être lui.
J'avais oublié que je n'aimais plus Yann Queffelec et que je ne le lirais plus.
Bon, là, il se rattrape un peu.
Il entreprend de parler de son père.
L'homme de sa vie ?
Disons plutôt l'homme qui a un peu pourri sa vie.
Un père à qui il a toujours voué une grande admiration mais de qui il a toujours attendu une parole d'encouragement.
Même quand il a reçu le Goncourt, rien, pas de commentaires.
Depuis petit il se sent moins aimé que ses frères.
Quand il commence à écrire, c'est encore une fois une forme de rejet.
Les seuls mots un peu agréables, c'est quand il appelle son fils « petit vieux ».
Souvent des brimades, du mépris, de l'indifférence.
Henri Queffelec semblait un peu imbu de lui-même.
Il n'a pas laissé beaucoup de place à son fils.
Tous leurs rendez-vous pour tenter de se parler ont été manqués.
Ça n'a pas du être toujours facile pour Yann, et il l'exprime bien dans ce livre.
Ce livre n'est ni un hommage, ni un règlement de compte, c'est un constat plutôt douloureux.
Dans ce livre Yann Queffélec raconte sa quête obsessionnelle de reconnaissance de la part d’un père avare d’encouragement et parfois presque cruel pour son enfant. Etrangement il idéalise cet homme au point de vouloir l’imiter en devenant à son tour écrivain oubliant au passage de suivre sa propre destinée. Son attirance pour la mer est ainsi reléguée au second plan et il semble faire bien peu de cas de l’amour d’une mère pourtant très affectueuse.
Arrivé à la fin de l’ouvrage, la question reste entière, pourquoi ce père rejette-t-il son fils alors qu’il semble tellement fier de ses autres enfants ?
On aimerait connaitre la version du père tant celle de Yann Queffélec parait par moment terriblement partiale.
Temoignage bouleversant d'un homme qui aura cherché toute sa vie l'amour d'un père emblématique. Je ne pense pas que son père ne l'ait pas aimé. Beaucoup de non-dits entre eux et beaucoup de maladresse.
Qu'il est difficile de parler de son père ! Encore plus lorsque celui-ci à tendance à vous humilier, vous renier ... Je dis tendance parce qu'il y a tout de même un jeu de va-et-vient entre eux deux, notamment après le décès de la maman, qui est au cœur du conflit.
Yann Queffelec a décidé de parler de l'amour pour son père, après avoir évoqué celui de sa mère et celui de la Bretagne. La gestation a été plus longue parce que ambivalente, comme il l'explique dans son avant-propos (qui est un des plus abouti que j'ai lu, soit dit en passant ...) :
Au tournant du siècle dernier, j'eus envie d'écrire un bouquin sur Henri Queffelec, l'auteur de mes jours disparu le 13 janvier 1992. Un hommage? Oui et non. Un portrait-robot mêlant père et fils sur fond de brouhaha familial pas toujours de bon aloi. Je dus renoncer après quelques paragraphes à hue et à dia. Comme disait Gertrude Stein : si je possédais le sirop, il refusait de couler. De plus, j'ignorais quel était mon héros : "mon père" ou "papa" ? Incapable de choisir entre les deux sosies, craignant le syndrome de Buridan, je renvoyai cette écriture à d'autres calendes. On n'est jamais déçu, avec l'écriture. Quand elle a faim, elle ne cesse de vous mordiller comme un chiot rageur, de japper sur la page : écris-moi ! écris-moi ! Repoussez-la, elle va faire un tour et revient avec un appétit redoublé. Elle est revenue ces jours-ci, pour ne rien vous cacher, elle s'en fiche désormais qu'on l'appelle "mon père" ou "papa". C'est juste qu'elle n'en peut plus d'avoir faim. C'est elle ou moi.
Ce besoin d'écrire sur son père était aussi vital que celui d'être aimé par lui. Ainsi, toute sa vie, il a cherché à l'impressionner pour qu'il le regarde. C'est ce qui dur, tout au long de ce livre, de voir cette demande de reconnaissance qui n'aboutit pas (ou si peu). Dans le regard (qui hante toujours l'auteur), les gestes, il recherchait cet amour. Alors, il ira sur son terrain, il fera écrivain comme lui, mais, il n'en fallait pas plus pour aiguiser encore plus la jalousie de son père. Parce que bien sur, il recherche la reconnaissance de son père mais surtout il veut impressionner sa mère, on reste dans un rapport très œdipien jusqu'au décès de cette mère adulée, adorée, partagée.
Et après ? après, les rapports sont difficiles : Yann part sur les mers, où les rapports sont tout aussi tumultueux mais là, c'est lui qui tient les rênes, enfin le gouvernail plutôt ... jusqu'à la révélation : il doit assouvir sa seconde passion, l'écriture.
2ème livre : "Les noces barbares", succès, prix Goncourt, le Graal de l'écrivain ! Avec ça, il va être fier le papa ... et encore râté ! Ni content, ni furieux ... la pire des réactions : l'indifférence
- Papa ?... Tu ne vas pas y croire, papa.
- Je sais, la femme de ménage m'a prévenu.
- Je viens d'acheter un poisson rouge.
- ...
- En fait, papa, c'est moi qui ai le prix Goncourt cette année.
- J'ai du boulot, p'tit vieux, raccroche.
Il y aura séparation puis réconciliation et entente cordiale ...
Encore une fois, Yann Queffélec a fait un très beau roman, une biographie, qui se termine par le CV de son père (original !). On ressent les émotions face au père, à la mère (même si elle est moins présente dans ce livre), à la Bretagne et à la mer, avec une plume toujours si riche de vocabulaire, de référence et d'humour ; humour grinçant qu'on lui connait bien.
Je dirais pour terminer et qui ressort de cette lecture : chacun aime à sa manière, on voudrait avoir toujours plus de preuves d'attention, d'amour de ses parents, mais lorsqu'on a grandit "à la bretonne", qu'il est difficile de communiquer avec le cœur !
Pour aller plus loin : http://chezsabisab.blogspot.fr/2016/02/lhomme-de-ma-vie-yann-queffelec.html
http://www.leslecturesdumouton.com/archives/2015/11/22/32962034.html
« Nous nous promettons de nous revoir vite et d'aller marcher en forêt. Je le regarde se diriger vers l'avenue du Parc et l'émotion m'étreint. Mon père. Il n'est pas si grand que je croyais. Il se tasse avec les années, sa démarche est moins assurée. Il y voit moins bien, j'en ai peur. Je regarde s'amenuiser sous les platanes l'homme de ma vie. Qu'est-ce qui m'empêche de lui courir après ? On se dit ces choses-là, on les imagine, mais dès qu'on veut les mettre en pratique, passer au concret, il n'est plus temps. D'ailleurs il a disparu. Quel âge il a, papa ? Quel âge peut avoir un homme comme ça ? » (p.201).
Tout lecteur averti connaît Yann Queffélec, ne serait-ce que par l'obtention du prix Goncourt en 1985 pour Les noces barbares. On peut également connaître son père Henri, universitaire, scénariste, écrivain qui a su faire de la mer et de la Bretagne sa source d'inspiration. Il a obtenu pour l'ensemble de sa carrière le Grand prix de littérature de l'Académie française en 1975.
En revanche, on ne connaît pas la relation difficile entre le père et le fils. Yann a eu le tort d'être la cadet de la famille, celui de trop auprès d'un grand frère à qui revient toutes les louanges paternelles. Et pourtant, Yann aime son père, l'admire et souffre du manque d'affection.
Tout au long de ce récit, Yann déroule son enfance, son adolescence puis sa vie d'écrivain adulte, au côté d'un père qui lui reproche toujours quelque chose et qui ne lui pardonnera pas l'obtention du Goncourt :
« Et, soudain, j'en ai marre de cette ombre confinée toute grouillante d'acariens à tête de mort, du souffle de papa, du souvenir de maman, je n'ai pas assez de mots pour m'excuser du temps que je lui fais perdre, à mon père, avec tout ça, avec moi, ma vie, au revoir papa, désolé, pardon, merci...
Et ce fut la première et la dernière fois où, sans même raccrocher, pris d'une rage de perdition, je mis en pièces le téléphone encrassé d'une cabine publique comme s'il y allait de ma vie. » (p.187).
Malgré tout, quelques instants de complicité ont lieu mais vite effacés par un quotidien d'incompréhension mutuelle.
Yann nous livre un témoignage bouleversant, sincère d'un homme qui a attendu vingt-trois ans après le décès paternel pour livrer son cri du cœur : un amour indéfectible pour un père qui n'a su que trop mal aimer :
« Mon livre s'achève, amie lectrice, lecteur, vous lui manquez déjà. J'ai déguisé pour en venir à bout tout ce qui pouvait l'être. J'ai maquillé, enjolivé, recruté faux-nez, hommes de paille et prête-noms, ne voulant pas incommoder la mémoire de papa ni les amis des amis des amis. Mais pas un seul des épisodes auxquels je fais allusion ici, tous amorcés dans leur exactitude originelle, qui mente à l'Homme de ma vie ». (p.258)
Yann Queffélec nous parle du rapport qu'il a entretenu toute sa vie avec son père, homme très autoritaire. L'enfant attend en vain un compliment de son père, un mot sympa mais il n'a souvent que des reproches ou des comparaisons avec son frère aîné (parfait aux yeux du père). Il rêve d'être ce père qu'il admire et qu'il aime cependant. Il finira écrivain comme son père. Ce père incroyable qui n'a pas eu le moindre mot lorsque son fils a décroché le prix Goncourt car il ne supporte pas que son fils empiète sur ses plates-bandes (en l'occurrence l'écriture) Le récit est poignant mais drôle aussi. Excellent !
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